Hier encore, le capital épargné auprès de sa caisse de pension était converti en rente de vieillesse à un taux de 7,2%. Jugé trop généreux, au vu de l’augmentation de l’espérance de vie, les Chambres fédérales ont d’abord décidé de l’abaisser progressivement à 6,8% d’ici à 2014. Les nouveaux retraités de 2009 n’ont ainsi déjà plus droit qu’à une conversion de 7,05% pour les hommes et de 7% pour les femmes. Apparemment, ce serait encore trop bien payé, puisque les autorités préconisent une nouvelle chute à 6,4% d’ici à 2015.
Très concrètement, cela signifie qu’un capital de 300 000 fr. donnera droit à une rente annuelle de 19 200 fr. au lieu de 21 600 fr., soit une perte sèche pour les futurs retraités de 2400 fr. par an et à vie!
Au nom de quoi? Parce que, en moyenne, nous cassons notre pipe de plus en plus tard, certes, mais aussi parce que notre capital épargné ne rapporte plus autant qu’avant. Résultat: les caisses de pension ne seraient plus en mesure de financer les rentes à venir, même avec un taux à 6,8%.
Mais, pour parvenir à cette conclusion, le calcul du rendement escompté sur l’épargne des assurés au 2e pilier se base sur celui des obligations de la Confédération sur dix ans, et a donc été estimé à 3,35%. Ce n’est pas réaliste!
Les caisses de pension n’investissent pas exclusivement dans les obligations. Leur portefeuille contient souvent au moins 25% d’actions et, notamment, une bonne part d’immobilier. D’accord, la crise financière actuelle entraîne de sévères pertes, mais elle apporte aussi beaucoup d’eau au moulin des détracteurs du 2e pilier. Et, il ne faudrait pas oublier que l’argent des assurés est investi à très long terme. Dans cette perspective et en tenant compte de la diversité des placements, un rendement de 3,35% est totalement désuet. Les projections d’autres experts de la prévoyance sont à 6%.
Trop pessimiste
Le Conseil fédéral adopte donc une vision très pessimiste de l’avenir. On peut louer sa prudence et comprendre qu’il cherche ainsi à protéger les caisses les plus fragiles. Mais, en réduisant à 6,4% le taux de conversion minimal exigé par la loi, il fait surtout le beurre des assureurs privés.
Explications: les caisses, lorsqu’elles affichent une bonne santé financière, sont censées adapter leurs prestations en conséquence, et donc accorder des conditions supérieures au minimum légal. Et beaucoup le font. Problème: les caisses collectives gérées par des compagnies d’assurances privées, elles-mêmes dépendantes de leurs actionnaires, rechignent à décoller des minimaux autorisés, même lorsque la conjoncture est bonne. La nouvelle révision leur permettra donc de limer encore sur les rentes. Les représentants de ces instituts de prévoyance souhaiteraient d’ailleurs que le taux de conversion soit carrément fixé à 6%. Or, près de 50% des assurés sont affiliés à ce type de caisses de pension.
Alors, non, l’abaissement général des retraites n’est pas une bonne solution au problème démographique du 2e pilier. Et il est précipité en ce qui concerne la diminution des rendements de l’épargne. La nouvelle loi permet désormais de fixer le taux de conversion tous les cinq ans. Il serait donc possible, en fonction de l’évolution économique, de corriger le tir en temps voulu, et si besoin.
Pour toutes ces raisons, Tout Compte Fait a décidé de soutenir le référendum lancé par le magazine des consommateurs alémaniques K-Tipp contre la réduction abusive des rentes du 2e pilier. Pour qu’il aboutisse, il est nécessaire de rassembler 50 000 signatures. Signez et faites signer les listes que nous mettons à votre disposition, et renvoyez-les-nous d’ici au 16 mars 2009 (un bon mois est ensuite nécessaire pour leur validation). Et ce sera alors au peuple de décider!
Joy Demeulemeester