«La nourriture représente un gigantesque enjeu industriel, bien trop important pour être laissé aux médecins et à la science estime depuis longtemps le secteur agro-alimentaire. Tout y est donc manipulé, parasité, on y finance des études petites et grandes, mais bancales, aux résultats souvent prédéterminés, en utilisant l’arsenal classique de la production de fake science.» L'article de Bertrand Kiefer, médecin et rédacteur en chef de la Revue Médicale suisse, bouscule d'entrée.
L'exemple du cholestérol
Il remarque ainsi que, dans la version préliminaire des guidelines nutritionnelles 2015-2020 du département américain de la santé, on pouvait lire que «le cholestérol n’est pas un nutriment dont la surconsommation est préoccupante». Un propos qui allait à rebours du catéchisme diététique traditionnel et qui a – comme par hasard – disparu dans la version finale! Pourtant, c'est bien depuis la publication, en 1970, d'une étude écartant toutes celles qui n'abondaient pas dans son sens, qu'est née l'obsession du «low fat». Rapidement compensée par une surconsommation en hydrate de carbone, «aux effets beaucoup moins rassasiants et aux propriété addictives (pour les sucres raffinés au moins), qui a amené une manière de manger beaucoup plus compulsive». Et avec, à la clé, une explosion de l'obésité et une croissante du diabète de type 2.
Les choses changent
Mais les choses commencent à changer, estime Bertrand Kiefer. Il en veut pour preuve la publication, dans le Lancet, de la plus vaste étude jamais réalisée liant la nutrition aux maladies cardiovasculaires et à la mortalité. Une étude qui démontre qu'une consommation élevée de graisses (y compris saturées) et de protéines animales est associée à une mortalité moindre, alors que celle d’hydrates de carbone est, elle, liée à une mortalité supérieure...
Faut-il, dès lors, crier «à bas le sucre» et «vivent les graisses»? Non évidemment, répond l'auteur, rappelant que de nombreuses autres études montrent les effets délétères de la viande transformée, comme les charcuteries, les saucisses, le kebab, etc. Sans parler des problèmes éthiques (maltraitance animale dans les élevages industriels et impossibilité de nourrir de manière durable la population mondiale avec une alimentation riche en viande).
Bref, conclut Bertrand Kiefer, «nous ignorons ce qu’il faut manger pour rester en bonne santé et vivre longtemps. Pour le moment, seule une attitude s’avère scientifique: celle d’avouer qu’au-delà de quelques savoirs éparpillés s’étend un vaste monde inconnu»...
Christian Chevrolet