Nos vieilles fripes font du fric. C’est ce qu’a rappelé, au début de l’année, le projet immobilier du patron de Texaid, à Baar (ZG), estimé à quelque 10 millions de francs. Sous la pression médiatique, l’entreprise a annoncé qu’elle allait désormais rendre publics ses résultats. C’est ainsi que le groupe, présent également en Allemagne, en Autriche, en Bulgarie, en Hongrie et au Maroc, a fait état d’un chiffre d’affaires de 97,2 millions de francs en 2018. Il a collecté 81 163 tonnes de vêtements dont environ la moitié en Suisse.
Dans le détail, son patron s’est vu verser un salaire avoisinant 300 000 fr. sans oublier un bonus de 78 000 fr.. Sa famille, qui détient 50% de l’entreprise, a perçu des dividendes à hauteur de 300 000 fr. Les organisations caritatives impliquées, dont Caritas, la Croix-Rouge ou l’Entraide protestante suisse (EPER) ont perçu un total de près de 2,6 millions.
Gros montants en jeu
Ces chiffres impressionnants montrent que la récupération de vêtements usagés est un juteux business pas si caritatif qu’il n’y paraît. C’est pourquoi les groupes de collecte se démènent pour grappiller des parts de marché. Ainsi, I:Collect récolte depuis quelques années des textiles usagés dans des magasins partenaires (H&M, C&A, etc.) qui récompensent les consommateurs participatifs avec des bons d’achat (lire «La valeur insoupçonnée de nos fripes»).
Dans ce contexte, est-il encore possible de faire don de nos vêtements usagés dans une optique purement caritative? La réponse est oui, mais à une condition: les affaires doivent être en bon état. En Romandie, plusieurs associations les redistribuent localement aux personnes dans le besoin en Suisse. D’autres les acheminent vers d’autres pays*. C’est le cas de la Mission chrétienne pour les pays de l’Est, qui précise, sur son site internet, que tout est distribué gratuitement.
Certaines organisations vendent les vêtements, comme les boutiques des Croix-Rouge fribourgeoise et genevoise, mais les recettes servent uniquement à financer les infra-structures. Et elles donnent ce qui ne peut pas être utilisé à titre caritatif aux grands groupes qui, eux, en tirent un profit.
Tout ou presque est recyclable
Les textiles troués ou inutilisables peuvent aussi finir ailleurs que dans une poubelle. Ces vieilles fibres ont encore une certaine valeur et plusieurs organismes les acceptent. La Croix-Bleue du Locle, par exemple, transforme les tissus usés 100% coton en chiffons, notamment pour l’industrie horlogère. Des «ateliers chiffons» qui ont l’avantage de participer à un programme de réinsertion professionnelle.
La Croix-Rouge fribourgeoise, qui accepte les textiles, quel que soit leur état, dispose de son propre centre de tri. Trop abimés pour la seconde main, 75% des habits collectés sont vendus pour la confection de chiffons, de rembourrage de sièges de voitures ou de matériau d’isolation pour tuyaux, entre autres. Au final, seuls les tissus lourdement tachés ne peuvent pas être recyclés et sont incinérés.
Si I:Collect accepte, elle aussi, tous les textiles, Texaid précise sur ses containeurs et ses sacs qu’elle ne collecte que des affaires propres. Il s’agit d’éviter que des objets sales ne souillent ce qui ne l’est pas. En 2018, le taux de vêtements susceptibles d’être réutilisés en seconde main s’est élevé à 59%, soit plus que la moyenne européenne, se targue Texaid. Plus ce taux est élevé, plus le business est lucratif. Car, logiquement, la transformation de textiles usagés rapporte nettement moins que la revente d’habits en seconde main.
Sandra Porchet
Bonus web: Associations caritatives qui collectent les habits
Bon pour la planète
L’industrie vestimentaire est l’une des plus polluante du monde. Faire don de vêtements pour la seconde main ou recycler ses textiles usés, sont donc des gestes qui s’inscrivent dans la notion de développement durable. Les entreprises et les organisations de collecte savent d’ailleurs très bien le mettre en avant. La page d’accueil du site internet de Texaid attire d’emblée l’attention sur le fait que 27 000 litres d’eau sont nécessaires à la production d’un kilo de coton.