L’origine du bois est un critère important pour les consommateurs au moment de choisir un meuble. Or, cinq ans après l’entrée en vigueur de l’ordonnance fédérale sur la déclaration concernant le bois et les produits en bois, force est de constater que les magasins ne jouent pas toujours le jeu. Cette réglementation les oblige pourtant à indiquer l’essence ainsi que la provenance du bois employé pour fabriquer les tables, les armoires, les buffets, les chaises, les lits et autres étagères qui décorent nos intérieurs. Elle précise encore que ces deux informations «doivent être indiquées par affichage sur le produit lui-même, à proximité immédiate ou sur son emballage» ou «sous une autre forme, à condition que les indications soient faciles à consulter et aisément lisibles» (écriteaux sur le rayonnage, mise à disposition de catalogues, etc.). Les bois en aggloméré ne sont pas concernés par cette disposition. Elle ne s’applique qu’aux bois ronds, aux bois bruts ainsi qu’à certains produits en bois massif dont l’espèce et la provenance sont relativement faciles à déterminer. Au moment de l’entrée en vigueur de cette nouvelle obligation, nous avions fait deux pointages, en 2011 et 2012, avec nos confrères de l’émission On en Parle (RTS-La Première). Sur les 85 meubles en bois massif répartis dans neuf grandes enseignes spécialisées que nous avions examinés, 29 d’entre eux ne répondaient pas aux exigences de l’ordonnance fédérale, soit 34% de notre échantillonnage. A ce moment-là, elles avaient évoqué un manque de temps pour expliquer ces erreurs.
Provenance du bois pas claire
Les choses n’ont pas beaucoup changé depuis si l’on en croit les contrôles menés par le Bureau fédéral de la consommation (BFC) en 2013 et 2014. Les résultats auxquels nous avons eu accès avec nos collègues sont éloquents: si l’essence était correcte sur la plupart des échantillons relevés, la provenance, en revanche, n’était pas mentionnée dans près de 30% des cas en 2013. Les choses se sont encore dégradées en 2014, puisque celle-ci était, cette fois, absente ou incorrecte pour 59% des articles! Selon le BFC, «ce résultat est dû au fait que les contrôles ont été intensifiés auprès des entreprises qui avaient déjà posé problème l’année précédente». Au total, l’indication de la provenance et de l’espèce a été vérifiée sur plus de 300 produits en bois par année. Parmi les 129 commerces qui ont été inspectés, on trouve aussi bien des magasins de meubles ou de bricolage, des shops en ligne et des menuiseries. Pour des raisons de place, nous en avons retenu qu’une quinzaine (voir tableau).
Des bons et des mauvais élèves
Avec un pourcentage de conformité de 100%, Conforama, Migros et Jumbo ont fait un sans-faute. Coop les suit de près avec 29 produits sur 30 correctement étiquetés. Cependant, Galaxus et Home24 n’ont pas brillé. Sur les deux sites de vente en ligne, aucun meuble n’était conforme aux exigences. Tous les deux assurent avoir rectifié le tir, depuis. De son côté, Ikea n’est pas exemplaire non plus, avec 32 produits correctement déclarés sur 132, soit 24% seulement. Selon Alexander Gligorijevic, porte-parole du géant suédois, cette mauvaise performance est due à une spécificité toute helvétique qui impose la déclaration de l’espèce et de la provenance du bois. «Il n’existe aucun règlement équivalent dans l’Union européenne ni dans les autres pays où Ikea est présent. Notre personnel de vente est, par conséquent, obligé d’effectuer manuellement cette déclaration sur nos 1000 points de vente. Et il n’y parvient qu’en partie», reconnaît-il encore.
Sanctions peu dissuasives
Mais, finalement, que risquent ceux qui ne jouent pas le jeu? Pas grand-chose, serait-on tenté de dire, tant les sanctions prévues semblent peu dissuasives. Le BFC peut tout d’abord ordonner la rectification de la déclaration. Entre 2013 et 2014, il ne l’a fait qu’à six reprises seulement. Ceux qui ne respectent pas leurs obligations sont aussi tenus de s’acquitter d’une taxe de 200 fr. par heure destinée à couvrir les coûts du contrôle. Ikea, par exemple, a dû verser 736 fr. en deux ans. En cas d’infraction intentionnelle, le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) peut frapper les contrevenants d’une amende jusqu’à 10 000 fr. A ce jour, il n’en a encore prononcé aucune. Pas vraiment de quoi inciter les acteurs du marché à cesser de prendre les choses à la légère…
Chantal Guyon