Nous avons presque tous formés, ou formerons, un jour, une hoirie. Car, au décès d’une personne (notre père ou notre mère, par exemple), la loi prévoit que ses biens passent immédiatement à ses héritiers. Le temps que la succession soit effectivement partagée, le conjoint survivant, les enfants et tous les héritiers, légaux ou institués, vont donc devoir, bon gré mal gré, former une communauté héréditaire, juridiquement appelée «hoirie».
Cette étape passe souvent inaperçue, surtout lorsque le défunt a laissé des directives précises. Elle prend, en revanche, toute sa consistance lorsque l’héritage comprend un bien immobilier ou indivisible (un tableau de valeur par exemple).
Les sœurs «D»
Prenons l’exemple des 4 «D». Les quatre sœurs – Danièle, Delphine, Denise et Doris – ont hérité, il y a 10 ans déjà, de la maison familiale au décès de leur père, lui-même veuf depuis quelques années. Comme elles ne souhaitaient pas s’en séparer (peut-être dans l’espoir qu’un petit-enfant poursuive un jour l’aventure familiale dans ses murs), elles ont décidé de la louer.
Par chance, elles se sont toujours entendues et ont su faire de même dans le cadre de l’hoirie, où n’importe quelle décision doit se prendre à l’unanimité. Depuis, elles assument solidairement tous les frais d’entretien, les charges bancaires (hypothèque et amortissement) et les relations avec les locataires. En échange, elles se partagent les revenus (loyer). Mais, sauf cas d’urgence, aucuns travaux, fussent-ils d’entretien, ne peuvent se faire sans l’assentiment des quatre sœurs. Idem pour ce qu’on appelle les «actes de disposition», comme la résiliation d’un bail ou la constitution d’une nouvelle hypothèque. Chaque document doit donc être établi au nom de l’ensemble des hoirs et signés par chacun d’eux. Bref, tout ce qu’il faut pour souvent créer quelques tensions dans une fratrie…
En cas de divergence
Une solution pour les anticiper consiste à choisir l’un des membres de l’hoirie, ou une personne extérieure (un gérant ou un notaire), en qualité de représentant. Il s’occupera alors de la gestion de la maison, avec des pouvoirs et des limites clairement définis dans un document.
Imaginons toutefois que les quatre sœurs ne s’entendent pas aussi bien qu’elles le laissent voir sur la photo, à un point qu’elles n’arrivent pas à s’entendre sur la désignation du représentant. L’une ou plusieurs d’entre elles peuvent alors demander l’assistance de la justice, qui nommera une personne neutre et établira le cahier des charges de son travail.
Le retrait d’un des hoirs
Autre source de problème: l’une des sœurs ne désire plus rester dans l’hoirie, et veut donc toucher sa part de la succession. Elle en a le droit, sauf si l’indivision a été prévue dans une convention, notamment un pacte successoral*. Mais cela revient à dire que les trois autres vont devoir lui payer un quart de la valeur de la maison. Or, là encore, une entente minimale est souhaitable, puisque les héritières sont priées de définir ensemble la valeur du bien immobilier. Et, si celles qui restent n’ont pas les moyens de rembourser leur sœur, la sœur peut exiger le partage et il ne restera plus qu’à vendre la maison. L’ambiance familiale risque alors d’en prendre un coup!
Liquidation de la communauté
La loi, enfin, ne fixe aucun délai pour liquider une hoirie. Mais elle peut être demandée en tout temps par n’importe quel hoir et prendra fin avec le partage, les cohéritières se répartissant alors les actifs et les passifs. La liquidation peut aussi être partielle, par exemple si les quatre sœurs se séparent du mobilier familial, mais conservent la maison.
Christian Chevrolet
*Lire dans nos archives électroniques «Un pacte au lieu d’un testament», TCF 9/2012.