En mai dernier, une étude allemande a inquié-té les utilisateurs de préservatifs. L’office d’inspection chimique et vétérinaire de la ville allemande de Stuttgart (CVUS), avait trouvé une quantité élevée de N-nitrosamine (1) dans certains de ces articles. Or, il s’agit d’une substance cancérigène.
Les consommateurs suisses aussi sont inquiets: peuvent-ils continuer à utiliser des préservatifs? Et le fait d’en avoir utilisé depuis des années peut-il avoir des conséquences néfastes?
Qu’ils soient rassurés d’emblée: dans tous les cas, on peut, et il faut continuer à avoir des rapports sexuels protégés! Comme le résume Werner Altkofer, qui a participé à l’étude de Stuttgart: «Le sida est mortel. Les N-nitrosamines pourraient entraîner un cancer, mais ne le font pas automatiquement.»
Résultats rassurants
Bon à Savoir s’est demandé combien de N-nitrosamine contenaient les préservatifs vendus en Suisse. La rédaction en a donc fait analyser 12 au laboratoire spécialisé allemand Wiertz-Eggert-Jörissen (WEJ). Si aucun des produits testés n’était totalement exempt de N-nitrosamine, les valeurs trouvées (voir tableau ci-contre) sont très nettement inférieures aux résultats du laboratoire de Stuttgart, puisqu’il en avait trouvé jusqu’à 660 microgrammes par kilo (mg/kg) dans l’un des préservatifs. Soit nettement plus que la limite fixée (10 µg/kg) pour les tétines de bébés et les lolettes (2) en Suisse et en Europe.
> Produit non recommandable:
L’Euroglider, est le seul préservatif jugé non recommandable. Avec 189 µg/kg, il affiche trop de N-nitrosamine face aux seulement 3 µg/kg décelés dans le vainqueur de notre test. «Inacceptable», estime Werner Altkofer, pour qui des préservatifs dégageant autant de N-nitrosamine devraient être retirés de la vente.
> Produits recommandables sous réserve:
Un raisonnement que l’expert allemand tient également pour les produits jugés recommandables sous réserve (Billy Boy Feucht, Rilaco Easy, Hot Rubber Classic, Condomi nature et Crest Feel-It, tous avec plus de 50 µg/kg de N-nitrosamine): les fabricants devraient réduire ces quantités.
> Produits recommandables et très recommandables:
Quatre articles, dont l’un des moins chers (Cosano Regular à 55 ct./pce), ont été jugés «très recommandable», car ils affichent moins de 10 µg/kg de N-nitrosamine. Et avec respectivement 12 et 17 µg/kg, deux produits, HT Spécial et Okeido, restent «recommandable».
Fabrication à améliorer
Au vu de ces résultats, on peut se demander pourquoi certains fabricants continuent à produire des préservatifs contenant plus de N-nitrosamine. C’est au cours du procédé de traitement du latex destiné à rendre les préservatifs élastiques (vulcanisation), tout en restant assez solides, qu’apparaissent ces dérivés nitrosaminés. Or, il est possible d’en réduire la formation, notamment par l’utilisation de capteurs de nitrosamine et une étape de lavage lors de la production.
Pour l’heure, on ignore encore les conséquences exactes des nitrosamines pour la santé. Et on ignore la quantité absorbée par la peau lors de l’emploi d’un préservatif. Toutefois, on l’estime à seulement un à trois millièmes de la dose journalière qu’absorbe l’organisme avec la nourriture (0,2 à 0,3 µg/kg). Les fumeurs, eux, en avalent beaucoup plus avec la fumée des cigarettes.
Pas de risque accru
Le problème du latex comme source de nitrosamine est étudié depuis plusieurs années, notamment pour les tétines de biberon. Or, contrairement à une tétine, qui pèse près de 10 g et qui est en contact presque permanent avec les muqueuses et la salive de l’enfant, un préservatif est utilisé bien moins longtemps, et pèse moins de 2 g pour une épaisseur comprise entre 60 et 80 micromètres. Il n’y a donc pas de risque accru de cancer lors de l’utilisation de préservatifs, selon l’Institut allemand des médicaments et des dispositifs médicaux (BfArM). Cet avis sert aussi de ligne directrice en Suisse.
Suite aux analyses du laboratoire de Stuttgart, le BfArM a toutefois été chargé de mettre au point une méthode spécifique d’analyse des nitrosamines dans les préservatifs, et d’évaluer exactement les risques qu’elles représentent. Selon les résultats, les autorités pourraient envisager d’édicter des normes en la matière.
Réagissant à notre test, divers fabricants font notamment valoir que les exigences et normes en matière de solidité, de résistance et de tolérance de préservatifs sont bien plus nombreuses et élevées que pour des produits en latex telles les tétines de biberon.
Méthode contestée
Pour les fabricants, on ne devrait donc pas utiliser la même méthode d’analyse et partant, d’appréciation, que pour ces articles pour bébés. Et, tout comme les milieux de la prévention, ils soulignent que le préservatif reste le seul moyen d’éviter d’être contaminé par le virus du sida!
Rolf Muntwyler /ew
(1) Détails sous: www.cvua-stuttgart.de/seiten/bedarf_nitros_kondome2004.html
(2) art. 28 de l’Ordonnance sur les objets usuels.
Sécurité garantie
La solidité ne laisse pas à désirer
Presque simultanément que Bon à Savoir, l’association des défenseurs des consommateurs allemands Stiftung Warentest a effectué un test de préservatifs. Ils ont également examiné leur teneur en nitrosamine — et trouvé des résultats équivalents aux nôtres — et leur sécurité: Sont-ils résistants? Se déchirent-ils?
Seul un modèle sur les 26 testés a raté ce test de sécurité: le Durex Ultra Strong, qui n’est pas vendu en Suisse.
Les préservatifs suivants, testés par Stiftung Warentest, également vendus en Suisse, offrent une bonne protection et ne contiennent que très peu de nitrosamine:
- Hot Rubber Easy (1,00 fr./pièce)
- Durex Performa (1,19 fr./pièce)
- RFSU Okeido (1,20 fr./pièce)
- Billy Boy Aromatisé (1,38 fr./pièce)
- Condomi Nature (1,43 fr./pièce)
- Big Ben (1,58 fr./pièce)
- Life Styles Endurance (1,63 fr./pièce)
- LifeStyles Xtra Pleasure (1,63 fr./pièce)
- Rilako Carinio (1,65 fr./pièce)
- Blausiegel HT Spezial (2,50 fr./pièce)
- Durex Avanti, sans latex (3,58 fr./pièce)
Source: Test, No 8/2004.