Il ne s’écoule pas une semaine sans que la rédaction de Bon à Savoir et son service de Premier conseil juridique gratuit reçoivent des lettres de plainte de lecteurs dénonçant les pratiques agressives et abusives des éditeurs d’annuaires professionnels tels que CH-TELEFON.ch, Plan de Ville ou encore AnnuairePro.
Le procédé est toujours le même: des indépendants, artisans, dirigeants de PME, de grandes entreprises et même des services de l’Etat, reçoivent un formulaire qui leur fait croire qu’il s’agit du renouvellement d’une inscription existante. Les coordonnées professionnelles sont préimprimées sur le document. Le destinataire n’a donc plus qu’à les vérifier, signer et renvoyer le formulaire. L’ensemble est si habilement rédigé que le lecteur inattentif est certain de renouveler une offre gratuite.
Ce n’est qu’en lisant attentivement les petites lettres des conditions générales que le signataire réalise qu’il s’engage pour une durée minimale de deux, voire trois ans, et doit régler des frais s’élevant jusqu’à plus de 2000 fr. par année. Et, sauf avis contraire communiqué par écrit, cette arnaque à trois zéros se renouvelle tacitement à l’échéance!
Réalisant la tromperie, quelques lecteurs ont refusé de payer les sommes exigées à coups de rappels et se trouvent, aujourd’hui, pris dans l’engrenage des sociétés de recouvrement.
Loi en révision
Le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) ainsi que Swisscom Directories, éditeur de l’annuaire Les Pages Jaunes sont conscients du problème et ont édité chacun de leur côté une brochure de mise en garde.
C’est bien. Mais pourquoi ne pas agir directement pour en finir avec ces pratiques? «Nous n’avons pas les moyens d’intervenir en Suisse, puisque l’actuelle Loi sur la concurrence déloyale (LCD) ne nous permet d’agir que si la victime d’une société suisse se trouve à l’étranger», répond Philippe Barman, juriste au SECO. La révision de la LCD, actuellement en cours (lire l’encadré), prévoit d’étendre ce droit aux cas se produisant en Suisse.
Les associations de défense de consommateurs ne sont pas plus outillées pour intervenir puisqu’elles n’ont pas pour mission de défendre les indépendants: «A l’heure actuelle, seules les associations professionnelles pourraient agir», commente Philippe Barman.
Plainte en cours
En attendant l’affûtage des nouveaux outils juridiques, seule la plainte déposée par la société LTV pages jaunes (éditrice de l’annuaire du même nom) devant le Tribunal du commerce à Zurich contre les méthodes de B&P Dienstleistungen (CH-TELEFON.ch) pourrait définitivement régler le problème. Christian Schmid, l’avocat zurichois chargé de l’affaire, est formel: «Nous mettrons tout en œuvre pour que les objectifs suivants soient atteints, c’est-à-dire:
- faire interdire l’usage du nom CH-TELEFON.ch, qui donne l’impression qu’il s’agit d’un annuaire officiel suisse gratuit;
- exiger des formulaires plus clairs, avec mention du prix et de la durée bien visibles;
- et faire annuler les contrats déjà signés.»
Si le juge donne raison au plaignant, l’ensemble des personnes qui se sont fait gruger se verront déliées de leur obligation.
Dans le cas contraire, il ne reste qu’à attendre que les Chambres fédérales adoptent la révision de la LCD, sans l’amputer des articles permettant au SECO d’intervenir en Suisse.
Zeynep Ersan Berdoz
Vers plus de transparence
Si elle est ratifiée par les Chambres fédérales, la révision de la Loi sur la concurrence déloyale (LCD) donnera des moyens plus efficaces aux autorités pour lutter contre les pratiques commerciales abusives. Concrètement, le nouveau texte prévoit que les offres d’inscription dans des répertoires seront considérées comme déloyales si les informations suivantes ne sont pas indiquées «en grands caractères, à un endroit bien visible et dans un langage compréhensible: le caractère onéreux de l’offre, la durée du contrat, le prix total pour la durée du contrat, la diffusion de la publication et le mode de publication».
Le texte sera soumis au Parlement cet automne et devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2011, à condition, bien sûr, que les Chambres l’approuvent.