Procurant une agréable sensation de fraîcheur, les déodorants chassent les odeurs corporelles. Mais au prix de quels composants nocifs? Pour y répondre, Bon à Savoir et son partenaire alémanique K-Tipp ont fait analyser les onze sprays déodorants et antitranspirants les plus vendus pour femmes et pour hommes et trois produits naturels (voir tableau).
Dans l’ensemble, les résultats sont inquiétants: huit sprays projettent trop de microparticules, poussières pouvant se loger dans les poumons et y occasionner d’importants dégâts. Par ailleurs, certains déodorants contiennent des substances nocives (lire encadré en p. 22). Ainsi, au final, seuls les trois produits naturels du test sont recommandables sans réserve.
L’analyse
Les experts du bureau d’ingénieurs en techniques des procédés de Wori (D) ont mesuré le taux de microparticules dégagé par les vaporisateurs. Parallèlement, ceux du laboratoire WEJ Eurofins, à Hambourg, ont recherché la présence de substances allergènes, de muscs synthétiques et de composés halogènes organiques. Les résultats, détaillés ci-après, sont éloquents:
1. Microparticules
Le danger vient de leur taille. Les PM10 (de 2,5 à 10 micromètres) peuvent se loger dans les poumons, alors que les PM2,5 (moins de 2,5 micromètres) peuvent pénétrer dans les alvéoles pulmonaires. Dans un cas comme dans l’autre, elles peuvent provoquer de graves lésions. Ainsi, et en l’absence de données chiffrées claires, il est conseillé d’utiliser les produits qui en contiennent le moins.
> PM10: le taux mesuré par les experts dépasse 20% pour dix sprays et excède 40% pour quatre d’entre eux. L’organisme n’est certes pas exposé de manière permanente aux PM10 diffusés lors de la vaporisation. Mais ces particules viennent encore s’ajouter à celles qu’on respire déjà par ailleurs (à l’extérieur ou dans les lieux publics enfumés). De plus, utiliser souvent des sprays à l’intérieur accroît le risque d’asthme.
Les moins bons: Adidas et Nivea Dry pour hommes émettent les taux les plus excessifs avec, respectivement, 50% et 52%. Beiersdorf, fabricant du spray Nivea, affirme que ses propres mesures ont donné un taux inférieur, de 31%. Ce qui reste néanmoins élevé.
Les meilleurs: Lavera Men, Weleda Citrus Deo et Alva Deo-Kristall, les trois produits naturels du test, n’émettent que très peu de particules fines. Cela grâce au système de pompe utilisé en lieu et place des aérosols.
> PM2,5: le constat des experts est presque rassurant: la majorité des sprays n’en diffusent que faiblement. Et seul l’Adidas Fresh, en vaporise plus de 2% (2,9 %).
2. Diéthylphtalates
Parmi ceux qui en contiennent, seuls deux affichent des valeurs acceptables, inférieures à 20 mg/kg: Magic Oriental Pleasure et Explonic Sensitive. Les autres franchissent le seuil de 100 mg/kg au-delà duquel leur usage est déconseillé.
3. Substances allergènes
> Catégorie A, hautement allergènes (lire encadré en p. 22): seul le Tabac Original en contient, avec 240 m/kg d’isogeugénol.
> Catégorie B, allergènes: elles sont présentes dans quatre des déodorants pour hommes. Soit du HMPCC-lyral pour trois d’entre eux (Nivea Dry, Axe Africa et Denim), de l’hydroxycitronellal pour deux (Denim et Tabac) et de l’alcool cinnamique pour un seul (Tabac).
> Catégories C et D, peu allergènes: elles ont été détectées dans tous les sprays, à l’exception de deux d’entre eux (Alva et Nivea pour dames).
Depuis le début de l’année, les fabricants sont tenus de mentionner ces substances sur les emballages. Or, cette information manque sur cinq produits, dont l’Explonic Sensitive de Migros qui totalise huit substances à indiquer. Les fabricants ont cependant un délai de transition jusqu’à la fin de l’année pour rendre les emballages conformes.
4. Halogènes organiques
Seuls deux sprays en contiennent en faible quantité (Denim et Explonic).
5. Muscs polycycliques
Le laboratoire a décelé leur présence dans trois produits (Rexona Men Cobalt Blue, Axe Africa et Tabac Original). D’ailleurs, parmi tous les sprays analysés, ce dernier contient le plus grand nombre de substances nocives.
6. Sels d’aluminium
Pour les rendre antitranspirants, les fabricants ajoutent des quantités variables de sels d’aluminium à leurs produits. Les huit déodorants qui en contiennent ont ainsi été plus ou moins lourdement pénalisés. Quatre d’entre eux affichent des valeurs excessives – Dove Fresh, avec 156 g/kg, soit 15% de sels d’aluminium, Nivea Dry pour hommes (100 g/kg), Nivea Pure (83 g/kg) et Rexona Men (60 g/kg). Aussi étonnant que cela puisse paraître, le déodorant naturel Alva en contient lui aussi, mais en moindre quantité (2 g/kg).
Otto Brändli, pneumologue et président de la section zurichoise de la Ligue pulmonaire suisse, est préoccupé par nos résultats: «Le cumul des gouttelettes de particules qui se logent dans les poumons et des différentes substances douteuses retrouvées dans les déodorants nuit à la santé.»
Rolf Muntwyler / zeb
Les substances recherchées
Allergènes, muscs et Cie
> Diéthylphtalates (DEP): en l’état actuel des connaissances, le DEP est moins nocif que certains autres phtalates (DEHP, BBP, DMEP, DBP) dont l’usage dans les cosmétiques est limité par des dispositions légales. Il n’en demeure pas moins que le DEP a des effets pernicieux sur l’organisme, notamment sur les organes de reproduction, et sur l’environnement puisqu’il n’est pas biodégradable.
> Allergènes: depuis janvier dernier, 26 substances particulièrement allergènes (directive de l’UE 2003/15) doivent être mentionnées sur les emballages. Elles sont classées en plusieurs catégories.
Catégorie A: substances hautement allergènes (extraits naturels de mousse d’arbre et de chêne, l’isoeugénol et l’aldéhyde cinnamique).
Catégorie B: substances allergènes (alcool cinnamique, l’hydroxycitronellal et l’HMPCC-lyral).
Catégorie C et D: les dix-neuf autres substances sont moins nocives. C’est pourquoi leur présence dans les déodorants testés n’a pas mené à une pénalité.
> Muscs polycycliques: ils se fixent sur les tissus et sont suspectés d’endommager les organes.
> Composés halogènes organiques: ils s’accumulent dans l’environnement sous forme de poussières et certains peuvent provoquer des allergies et des cancers.
> Sels d’aluminium: contenus dans la plupart des antitranspirants et antiperspirants, ils resserrent les pores de la peau. Un usage trop fréquent de ces produits peut endommager les glandes sudoripares (par lesquelles s’écoule la sueur), d’où l’importance de ne pas en utiliser plus d’une fois par jour.