Aucune autorité n’examine le rayonnement des téléphones portables en Suisse. Une telle surveillance serait pourtant utile: les valeurs indiquées par les fabricants sur les emballages ne sont pas toujours fiables, comme le démontrent les vérifications de l’Agence nationale française des fréquences (ANFR). Celle-ci a contrôlé 600 appareils depuis 2017.
Résultat: près d’un modèle sur dix ne respectait pas les valeurs limite de rayonnement non ionisant. Le corps humain absorbe alors trop d’ondes électromagnétiques (lire «Trop d’ondes près du corps»).
iPhone 12 interdit en France
L’an dernier, l’ANFR a constaté que l’iPhone 12 d’Apple émettait trop de rayons non ionisants. Pour ce modèle, le débit d’absorption spécifique (DAS) était de 5,74 Watts par kilo (W/kg) alors que les normes européennes et suisses fixent la limite à 4 W/kg. Conséquence: l’iPhone 12 a été interdit à la vente en France jusqu’à ce qu’Apple propose une mise à jour logicielle, qui a permis d’abaisser le débit d’absorption à 3,94 W/kg. En Suisse, ce modèle a été vendu sans interruption.
Risque potentiel pour la santé
Un groupe de travail a bien été mis en place dans notre pays afin de déterminer qui devait contrôler le rayonnement des téléphones portables. Et les discussions ont démarré dès juillet 2020, selon des documents que nous avons obtenus en vertu de la loi sur la transparence. Ce groupe réunissait trois offices fédéraux (santé publique, communication, énergie) ainsi que l’Inspection fédérale des installations à courant fort (ESTI).
En novembre 2021, le groupe de travail déclarait: «En raison de l’absence de surveillance du marché, des produits pourraient être vendus avec un rayonnement trop élevé et mettre en danger la santé des utilisateurs.» Pourtant, aucun Office fédéral n’a voulu en assumer le contrôle. En juillet 2022, l’Office fédéral de la Santé publique relevait: «Les divergences existantes ne peuvent pas être résolues au niveau des Offices.»
Trop cher aux yeux de la Confédération
Le dossier est donc passé aux mains du conseiller fédéral Alain Berset. Il a fallu encore plus d’un an pour qu’il fasse une proposition au Conseil fédéral. Citant les contrôles français comme modèle, il a évoqué l’exposition des consommateurs aux rayons non ionisants, et mentionné la Constitution. Celle-ci oblige le gouvernement à mettre en place un système de surveillance du marché afin de vérifier, au moins par des contrôles aléatoires, le respect des valeurs limite. Cela coûterait entre 955 000 fr. et 1,31 million de francs par an.
Malgré ces constats, Alain Berset a recommandé au Conseil fédéral de ne rien entreprendre. Il était arrivé à la conclusion que l’argent manquait, après avoir consulté le ministre de l’environnement, Albert Rösti. L’Administration fédérale des finances a fait remarquer que l’argument du «manque de ressources» n’était pas convaincant: «le Conseil fédéral pourrait donner la priorité à ces fonds.» Ce dernier a toutefois décidé qu’aucune autorité ne contrôlerait le rayonnement des téléphones.
La conseillère nationale Marionna Schlatter (Verts/Zurich) a déposé une motion en septembre 2023 demandant que le Conseil fédéral désigne une autorité de surveillance pour les valeurs limite des téléphones émettant ces rayonnements. Le Conseil fédéral a proposé de rejeter la motion, arguant qu’«en raison de la situation financière de la Confédération, les ressources requises ne peuvent pas être mises à disposition pour le moment».
Petar Marjanovic / seb
Des valeurs mesurées près du corps
Pour mesurer les ondes absorbées par le corps humain lors de l’utilisation d’un téléphone, les scientifiques mesurent le débit d’absorption spécifique (DAS). Les mesures s’effectuent à trois niveaux: lorsque le téléphone est porté à l’oreille («DAS tête»), lorsqu’il se trouve dans une poche («DAS tronc») et quand il est tenu en main («DAS membre»).
Réduire l’exposition au maximum
- Limiter autant que possible les appels avec son portable.
- Utiliser des écouteurs lors des appels afin d’éloigner l’appareil de la tête.
- Ne téléphoner que lorsque la réception est bonne et éviter de le faire en voiture ou dans le train.
- Choisir un smartphone à faible niveau de rayonnement. Consulter les mesures effectuées en France sur ce lien: urlz.fr/pDjL