Sa nouvelle villa, à Cudrefin (VD) à peine achevée, Jean-Marie Faivre mandate, comme la loi l’y oblige, un géomètre afin de l’immatriculer au Registre foncier. La facture: 2259 fr.
Si notre lecteur est surpris par le montant, il l’est davantage encore par l’ancienneté de la base tarifaire indiquée: 1987. «A l’époque, il fallait encore tout dessiner à la main, s’exclame-t-il. Etant moi-même ingénieur en construction, je sais que, à l’aide des logiciels actuels, il faut à peine quelques minutes pour reporter les coins d’un polygone.»
Il conteste la facture et mène sa petite enquête, qui lui apprend, notamment, que la profession est totalement libéralisée dans le canton de Vaud, tout comme à Genève. Ailleurs, en revanche, les tarifs sont définis par le canton (lire encadré).
La facture de notre lecteur atterrit aussi sur le bureau du président de la Commission vaudoise des tarifs et honoraires, qui la compare aux prix obtenus en utilisant deux autres tarifs. Le premier est vaudois, date de 1993, mais est adapté chaque année, et donne un total de 2230 fr. Le second émane de la SIA (Société suisse des ingénieurs et des architectes) et aboutit à 2568 fr. Sa conclusion: la note d’honoraires est justifiée.
Relevons, toutefois, que nous en sommes déjà à trois tarifs différents, alors que, officiellement, il n’est pas censé y en avoir. Ils n’ont donc que valeur indicative. Et, à l’échelle nationale, il existe encore une autre référence pour la plupart des professionnels: le TH33.
Complications informatiques
Le tarif TH33 a été introduit, au niveau fédéral, en 1993, après une réévaluation totale du travail des géomètres depuis la numérisation partielle des relevés cadastraux et l’arrivée de nouveaux outils.
«Globalement, les prix sont pourtant restés stables, relève Jean-Paul Miserez de l’Office fédéral de topographie, swisstopo. Si la gestion des informations par ordinateur paraît plus simple, l’introduction des données nécessite une plus grande cohérence. Et, bien que le géomètre soit aidé de toutes sortes d’outils très évolués, il s’agit ensuite de traiter les nombreuses données récoltées.»
Le travail des géomètres ne serait donc pas plus simple aujourd’hui. Mais qui en fixe les tarifs, qu’ils soient indicatifs ou non?
«Le TH33, qui sert de référence à la plupart des cantons, est réévalué tous les cinq à six ans, explique Jean-Paul Miserez. Un organe paritaire analyse alors une sorte d’échantillon fourni par les géomètres et compare les prestations et durées facturées aux clients. Lors des deux dernières évaluations, nous sommes parvenus à des convergences de plus ou moins 3% à 5%. Mais il faut reconnaître qu’il y a un risque d’objectivité restreinte.» Les géomètres n’ont effectivement pas intérêt à présenter des chiffres qui feraient revoir à la baisse leur rémunération.
Notre lecteur a aussi remis son dossier en fin d’année à la Comco (Commission de la concurrence), estimant qu’il s’agit d’une situation cartellaire.
Joy Demeulemeester
Les pratiques cantonales
Les géomètres vaudois et genevois sont les seuls à pouvoir fixer librement leur tarif: les propriétaires ont donc intérêt à demander un devis à plusieurs ingénieurs pour faire jouer la concurrence.
Partout ailleurs, le tarif est dicté par le canton et, souvent, il s’agit d’une adaptation du tarif fédéral TH33 (lire article), même si, à la demande de la Comco, il n’est plus imposé ni par la Confédération ni par les associations de géomètres.
A Berne, on calcule toutefois le prix selon un tarif horaire, puis selon le tarif TH33 et on facture au propriétaire le meilleur marché. Les cantons de Fribourg et du Jura, eux, préfèrent mandater et payer directement les géomètres, puis se remboursent auprès des propriétaires; à Fribourg sur la base d’un émolument proportionnel à la valeur de la construction; dans le Jura en prélevant une taxe cadastrale annuelle.