La propreté helvétique fait partie de l’image même de la Suisse. Preuve, s’il en faut de cette tendance à la «poutze»: la consommation de papiers-ménage de notre pays. Chaque année, on y dépense plus de 65 millions de francs et on utilise donc quelque 65 millions de rouleaux d’essuie-tout jetables vendus à environ 1 fr. la pièce.
Mais, à prix égal, tous les rouleaux n’offrent pas la même quantité de papier. Ainsi, pour 1 franc, Migros en enroule environ 19 mètres sur ses rouleaux de marque Hopi, alors que le fabricant Procter&Gamble ne propose que 6 mètres de papier Bounty pour le même prix. Et celui qui croit ce dernier plus résistant que le papier absorbant du géant orange se trompe.
C’est ce que démontre notre test des onze papiers-ménage des marques dominantes du pays. Les rouleaux ont été soumis aux spécialistes de l’institut zurichois Testex d’études en textiles. Ils ont testé les deux qualités premières d’un papier-ménage: leur pouvoir absorbant et leur solidité.
• Pouvoir absorbant
Par définition, un papier absorbant doit absorber le plus vite possible un maximum de liquide. Pour vérifier ce que les essuie-tout pouvaient vraiment «avaler», nous les avons confrontés à des liquides de type aqueux (du vin, de l’eau, du lait, de la soupe) et à de l’huile.
• Eau: c’est le Hakle Swish qui servira au mieux en cas de soupe renversée ou autres petits accidents (voir tableau ci-dessous). Ce papier était non seulement l’un des plus rapides s’agissant de l’absorption, mais a surtout réussi à éponger la plus grande quantité de liquide. Il est suivi de près par le produit de marque Ecolution, vendu par Epa.
Deux couches suffisent
Chez Hakle-Kimberly Suisse, le directeur, Andy Kistler, n’est pas surpris du bon résultat de la marque: «La couche du milieu de notre papier trois-couches est faite d’un papier particulièrement absorbant.»
A noter que d’autres marques de notre test proposent du papier trois-couches: Artex, Ecolution et Waro. Mais l’épaisseur ne laisse pas présager de l’efficacité du papier, puisque le Hopi Recycling de Migros, avec deux couches seulement, fait partie des quatre produits qui ont reçu le mention «bon».
• Huile: le classement est tout autre lorsqu’il s’agit d’essuyer des taches d’huile. Là , c’est le Hopi Classic qui s’avère le plus vorace, suivi des produits de Waro et d’Artex. A relever encore, le résultat carrément insatisfaisant du papier de Hakle, l’un des moins efficaces pour cette partie du test. Commentaire du fabricant: «Nous mettons clairement la priorité sur le pouvoir absorbant de substances aqueuses.»
Les moins bons résultats obtenus lors de cette épreuve étonnent moins lorsque l’on sait que les celluloses ordinaires absorbent moins bien l’huile que l’eau. Mais, comme le montrent les bons points obtenus par certains produits, les producteurs sont capables de fabriquer du papier plus «gourmand» en huile par un choix judicieux des matières utilisées et du mode de fabrication.
• Résistance
Inutile de disposer d’un papier fortement absorbant s’il part en miettes dès qu’on l’utilise, surtout lorsqu’il est imbibé de liquide.
• A sec: les experts de Testex ont d’abord examiné la solidité des onze papiers-ménage à sec. Plutôt costaud, l’Ecolution a totalisé le plus grand nombre de points pour cette épreuve, à l’inverse du Casa de Kleenex, pour le moins faiblard.
• Mouillé: ce n’est qu’une fois imbibé de liquide qu’un essuie-tout montre toute sa force, ou sa faiblesse... Là , c’est le Ronda Oekoplan qui obtient le premier rang et
le produit de Waro (parti
en lambeaux avant même d’être fixé dans l’appareil de test) le dernier. Aucun produit n’a obtenu la mention «très bon» dans cette épreuve.
Ecolution, vendu chez Epa, résistant et absorbant à la fois, remporte donc la palme de notre test. Il est toutefois un peu plus cher que d’autres. Mais cher ne rime pas forcément avec qualité, puisque tant le Zewa que le Bounty en offrent peu pour leur prix.
Pas écologiques
Si les essuie-tout jetables sont très pratiques, ils sont nettement moins écologiques qu’un bon chiffon en tissu, réutilisable. Ainsi, seul le Recycling de Migros et le Ronda Oekoplan de Coop sont fabriqués à partir de vieux papier.
Rien de tout ça chez Hakle: selon son directeur Andy Kistler, ce ne serait pas hygiénique d’essuyer des aliments avec ce genre de papiers. Les utilisateurs de papier recyclé à usage hygiénique – mouchoirs en papier, papier-toilette, etc. – apprécieront...
De manière générale, les fabricants ne se soucient d’ailleurs guère de l’environnement. Ils utilisent des agents blanchissants, des azurants optiques et autres adoucissants. Ces derniers sont d’ailleurs souvent à base de résines de formaldéhyde, potentiellement allergène.
Quant au gagnant du test, l’Ecolution de la maison italienne Delicarta, seul son nom laisse présager quelque souci environnemental. En réalité, selon le fabricant, c’est l’emballage de ce papier-ménage qui justifierait son appellation, car il se dissoudrait dans l’eau. Reste à savoir qui jette des emballages dans ses W.-C.?
A propos de W.-C.: n’y jetez pas le papier-ménage, car, contrairement au papier-toilette, il ne se dissout pas dans l’eau. A la clé donc, un fort risque de boucher les canalisations.
Thomas Vogel /e.w.