C’est un grand classique des fêtes de fin d’année, et plus si affinités. Mais le saumon fumé est-il de qualité? Pour le savoir, nous avons envoyé quinze paquets de saumon d’élevage fumé et mariné à un laboratoire (lire «Les critères du test»). Le constat a d’abord été positif: l’hygiène des produits s’est nettement améliorée par rapport aux tests précédents. Ainsi, à la date d’expiration, seuls deux échantillons sur quinze présentaient un nombre trop élevé de bactéries. Il y a six ans, ils étaient six sur quatorze à en contenir en grande quantité (lire «Des saumons fumeux»).
Un million de germes
Les bonnes nouvelles s’arrêtent là. Pour le reste, les paquets se sont révélés pleins de surprises: manque de fraîcheur, quantité plus faible que celle indiquée ou encore présence de conservateurs. Un seul produit a obtenu la note «très bon». Les autres ont été jugés «satisfaisant», «insatisfaisant», voire même «mauvais», dans le cas du Delicatessa de Globus et du Fine Food de Coop. Deux produits relativement coûteux qui prouvent que le saumon fumé est un met sensible.
A la date d’expiration, ces deux échantillons contenaient plus d’un million de germes aérobies mésophiles par gramme. Ces germes d’altération trahissent la présence de bactéries, de levures ou de moisissures. Ils renseignent ainsi sur le niveau d’hygiène et la fraîcheur d’un produit. A titre de comparaison, le vainqueur, à savoir le saumon fumé au citron vert de Migros Bio, ne comptait que 100 germes par gramme.
En se référant aux limites fixées par la Société allemande de microbiologie et d’hygiène, le Fine Food de Coop renfermait trop d’entérobactéries et de germes d’altération. Ce qui en fait un produit potentiellement problématique pour la santé. Ces valeurs ne sont juridiquement pas contraignantes. Elles n’en restent pas moins décisives pour notre évaluation, puisque la fraîcheur et la qualité des aliments sont cruciales pour les consommateurs. Coop dit que ces résultats ne correspondent pas à ses exigences de qualité et promet de faire inspecter ce produit.
Additifs inutiles
Poisson gras par excellence, le saumon est, en principe, très recommandé pour la santé. Le hic, c’est que celui d’élevage absorbe, par le biais de son alimentation, des substances indésirables qu’il stocke dans sa chair. C’est le cas de l’éthoxyquine qui a longtemps fait parler d’elle. Utilisé comme antioxydant dans la farine de poisson servant à nourrir les saumons d’élevage, ce pesticide a finalement été interdit en 2017.
Pourtant, le problème des conservateurs demeure: notre analyse montre que les producteurs d’aliments pour poissons utilisent désormais l’additif E321. Ainsi, treize des quinze échantillons contenaient du butylhydroxytoluène synthétique (BHT). Or, la liste des reproches formulés à l’encontre du BHT est longue. Allergène lorsqu’il est utilisé en cosmétique, cet antioxydant pourrait aussi être cancérogène. Mais, pour l’heure, le BHT reste autorisé en Europe et aucune valeur limite n’a été fixée concernant le poisson.
Certains échantillons présentaient jusqu’à 1,52 mg de BHT par kg de poisson. Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), une personne de 60 kg pourrait absorber environ 15 mg de BHT par jour sans avoir à craindre de conséquences négatives. La seule consommation de poisson ne devrait, en principe, pas dépasser cette limite. Mais quid de l’accumulation, sachant que le BHT est présent dans de nombreux aliments, tels que les produits à base de céréales, les snacks ou les soupes instantanées?
Dans notre évaluation, nous avons donc choisi de pénaliser la présence de BHT, même en faible concentration. Les produits bio en sont d’ailleurs exempts, sachant que l’alimentation des poissons d’élevage biologique interdit la présence de conservateurs synthétiques. On utilise à la place des substances telles que la vitamine E ou des extraits de plantes comme le romarin ou l’origan. Preuve qu’il est possible de se passer de BHT.
Quantité insuffisante!
L’épreuve de la balance a elle aussi rendu un verdict peu reluisant. Un seul produit contenait autant de saumon que le poids net indiqué sur l’emballage! Dans la plupart des cas, l’écart se situait de justesse dans la limite de la tolérance légale, fixée à 4,5% de la quantité nette indiquée. Il n’en demeure pas moins que cinq produits n’étaient pas conformes à la loi. A l’inverse, le paquet de saumon fumé du label écossais Mey Selections contenait un peu plus de poisson que la quantité indiquée.
La plupart des producteurs relativisent les résultats de notre pesée. Ils estiment que les exigences légales sont respectées. De leur côté, Spar et Globus précisent qu’il se pourrait que les feuilles intercalaires, dans certains emballages, absorbent la graisse et l’eau, rendant ainsi le poisson plus léger. A titre de mesure immédiate, Globus envisage de remplacer tous ces emballages. Manor souhaite également apporter des améliorations et contrôler plus attentivement le poids du CT Océane Bio. En recalibrant, notamment, plus fréquemment ses balances.
Andreas Schildknecht / sh
Les critères du test
Le Laboratoire spécialisé allemand Cuxhaven a testé quinze échantillons de saumon d’élevage selon les critères suivants.
1. Hygiène Les experts ont compté combien de germes se sont développés parmi les suivants: germes mésophiles aérobies, staphylocoques, salmonelles, listeria, Escherichia coli, entérobactéries, pseudomonades, lactobacilles et levures. Les germes mésophiles aérobies ainsi que les entérobactéries sont des indicateurs de fraîcheur et d’hygiène. Les pseudomonades et les levures renseignent sur une éventuelle détérioration. Aucune trace de listeria, de salmonelles ou d’Escherichia coli n’a été trouvée.
2. Poids Trois paquets de chaque marque ont été pesés. La valeur moyenne a ensuite été comparée avec la quantité nette indiquée.
Substances indésirables Le laboratoire a cherché les éventuelles traces d’éthoxyquine, de butylhydroxyanisole (BHA) et de butylhydroxytoluène (BHT). Des conservateurs synthétiques qui empêchent les graisses de devenir rances et les aliments de perdre leur couleur. Aucune trace d’éthoxyquine ou de BHA n’a été détectée. Mais, à l’exception des deux saumons biologiques, tous les échantillons contenaient des résidus de BHT. Connu sous son abréviation E321, le BHT est autorisé en Europe. Comme il migre dans le poisson par le biais de l’alimentation, l’E321 ne doit pas obligatoirement figurer sur la liste des ingrédients.