Vaut-il la peine d’utiliser des zestes de citrons non traités pour les pâtisseries de Noël? Pour en avoir le cœur net, Bon à Savoir et l’émission On en parle de la Radio suisse romande ont confié au Laboratoire cantonal de Genève un échantillonnage composé de tous les types de citrons disponibles sur le marché.
Le résultat de l’analyse n’est guère encourageant. Plus d’un quart des citrons bio ou «non traités après récolte» contiennent en fait des résidus de pesticides. Le consommateur est donc trompé.
Nous avons fait nos emplettes auprès de sept grandes surfaces ou chaînes de magasins bien implantées en Suisse romande.
Trois sortes
Nous avons panaché les trois sortes de citrons disponibles sur le marché:
• les bio: non traités, ni avant, ni après récolte;
• les citrons «non traités après récolte» (mention sur une étiquette ou sur le rayon), pouvant par conséquent contenir des pesticides de traitement avant récolte;
• les citrons qui n’affichent rien de particulier, donc en principe traités avant et après récolte, dans les limites tolérées par la législation suisse.
Nous avons demandé au Laboratoire cantonal de Genève de rechercher les pesticides de traitement après récolte. Non parce qu’ils sont plus nocifs pour la santé, mais parce qu’ils posent un problème d’étiquetage: lors des contrôles de routine, les chimistes cantonaux ont trouvé ce genre de substances à plusieurs reprises ces dernières années dans des citrons déclarés comme «non traités après récolte.»
Si la méthode d’analyse était ciblée sur les agents de traitement après récolte, elle a également révèle la présence de certains pesticides utilisés avant récolte (mais pas tous). Nous les avons bien évidemment mentionnés dans le tableau ci-dessous.
Les résultats
A première vue, les conclusions de l’analyse ne sont pas catastrophiques: treize citrons sur quinze sont étiquetés conformément à la législation suisse et un seul dépasse (à peine) les seuils de pesticides autorisés.
Mais le résultat est plus alarmant si l’on observe l’échantillonnage de fruits bio ou non traités après récolte: deux sur sept sont non conformes à la législation.
• Les fruits non conformes
¬ Le citron muni du label bourgeon de Biosuisse acheté à la Coop est doublement pris en faute: non seulement il viole le cahier des charges du label, qui interdit l’usage de pesticides, mais en plus il comprend une quantité d’acaricide (le Fenazaquin, pour lutter contre les acariens) qui atteint la limite de tolérance de cette substance pour tous les types de citrons. Quant aux traces de fongicides de traitement après récolte (prévenant les moisissures), elles sont peu importantes, mais elles révèlent «une contamination anormale de la chaîne bio par une mauvaise maîtrise du stockage ou de l’emballage», selon Claude Corvi.
¬ Le citron «non traité après récolte» de marque Fanny acheté à la Migros est également non conforme. Il contient 0,49 mg/kg de fongicides utilisés après récolte: une quantité inacceptable pour un produit censé ne pas en contenir. «Dès 0,1 mg/kg, on peut considérer qu’il y a un problème», estime Claude Corvi.
Pour le chimiste cantonal genevois, Claude Corvi, «les deux cas non conformes constituent une tromperie flagrante du consommateur. La santé publique n’est toutefois pas menacée, puisque les limites de tolérance ne sont pas dépassées.»
• Les fruits conformes
¬ Les cinq autres citrons bio ou «non traités après récolte» tiennent leurs promesses. Les seconds contiennent parfois des traces de pesticides utilisés avant récolte, ce qui est tout à fait normal.
¬ Les huit citrons sans déclaration spéciale sont tous conformes à la législation, puisque la quantité de pesticides décelés ne dépasse pas les seuils de tolérance. Trois d’entre eux contiennent toutefois des résidus qualifiés «d’importants» par le Laboratoire cantonal genevois (voir le tableau en page 17).
Coop agit
Coop déplore la présence d’un citron non conforme dans son assortiment. Ses propres analyses n’ont pas révélé de résidus de pesticides dans les citrons bio, mais le distributeur promet d’intensifier ses contrôles. Il a demandé des comptes à son fournisseur sicilien, qui a immédiatement fait analyser ses produits: aucune trace de pesticides n’a été décelée. Coop a également interpellé Biosuisse, qui suppose qu’il s’agit d’un cas isolé, mais qui va recontrôler toute la filière de production en Sicile.
Migros, de son côté, admet que son citron non conforme constitue une tromperie du consommateur. Le distributeur a tenté de l’expliquer par une erreur d’affichage: l’indication «non traitée» aurait été placée au mauvais endroit. Migros va améliorer l’affichage au quotidien sur les rayons. Nous avons, pour notre part, de la peine à comprendre cette «erreur», puisque l’indication était apposée directement sur le fruit au moyen d’un autocollant…
Certains des citrons analysés comprennent jusqu’à six substances différentes (que nous avons regroupées sous les termes génériques d’«acaricides», «fongicides» ou «insecticides» dans le tableau). Pourquoi tant de pesticides? «Certains producteurs multiplient les agents de traitement, afin que la norme ne soit pas dépassée pour chacun d’eux», déplore Claude Corvi. Il n’existe en effet pas de seuil de tolérance global pour l’ensemble des pesticides.
Santé publique
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) en charge de la surveillance des résidus chimiques dans les aliments, rétorque que cette variété des substances permet des actions plus ciblées et n’augmente pas forcément la dose totale de pesticides. Les producteurs n’ont par ailleurs pas le droit de recourir à plusieurs substances ayant le même effet.
L’OFSP estime que les seuils de tolérance pour les pesticides sont très largement calculés et qu’ils ne risquent en aucun cas de mettre en danger la santé publique. Le Laboratoire cantonal genevois partage cet avis, tout en le nuançant: si tout risque d’intoxication aiguë est écarté, il n’en va pas de même pour les risques de toxicité chronique: on ignore les effets à long terme des pesticides sur l’organisme.
Suzanne Pasquier
Conseils
Choisir et apprêter le zeste
• Si les citrons sont vendus en vrac ou dans des filets, les producteurs ne doivent pas obligatoirement déclarer les substances de traitement. Certains le font, avec des étiquettes alignant
des termes à la consonance inquiétante, comme le thiabendazol ou imazalil,
utilisés comme agents conservateurs. Cela ne veut pas dire que ces fruits sont davantage chargés en pesticides que les autres.
Le pays de provenance doit, en revanche, être indiqué. S’il ne l’est pas, le client doit pouvoir aisément s’en informer auprès d’un vendeur.
• Pour utiliser le zeste en cuisine, mieux vaut choisir des citrons bio ou non traités après récolte. S’ils ne tiennent pas toujours leurs promesses (voir ci-contre), ils ont tout de même plus de chance de contenir de faibles quantités de pesticides que les fruits sans déclaration spéciale (voir les tableaux).
• Avant de prélever l’écorce, il convient de laver le fruit à l’eau chaude: sous l’effet de la chaleur, les éventuels pesticides seront en partie éliminés. Le problème, c’est que le zeste perdra ainsi une partie de ses huiles essentielles, donc de sa saveur. Si l’on a des regrets à ce sujet, on peut se contenter d’essuyer le citron.