Nutella, Choco Nussa, Nutoka, Rastella, Frelitta, etc. Les consommateurs ont le choix entre de nombreuses marques de pâtes à tartiner aux noisettes. Ces produits contiennent-ils des substances potentiellement dangereuses pour la santé? Afin de le savoir, nous avons fait analyser treize d’entre eux. A côté du très connu Nutella, nous avons acheté plusieurs marques propres vendues dans les grandes surfaces, un produit de commerce équitable (Fairtrade) et un autre bio (Rapunzel Samba) pour des prix variant de 45 ct. à 3.45 fr. les 100 g.
Les analyses ont porté sur la présence d’aflatoxine, de cadmium, de nickel et de 3-MCPD (lire encadré «Les critères du test»). Nous avons également demandé aux fabricants s’ils utilisaient de l’huile de palme (lire encadré «Origine des graisses»).
La bonne nouvelle
Le laboratoire n’a trouvé que des quantités inoffensives d’aflatoxine et de cadmium. Il y avait certes des traces de nickel dans toutes les pâtes à tartiner, mais dans des proportions si faibles qu’elles ne méritaient aucun point de pénalité. La présence de ce métal lourd a tout de même incité Manor à retirer son Dorati des rayons, afin de procéder à de nouveaux contrôles.
La mauvaises nouvelle
Tous les produits testés contiennent du 3-MCPD. Le Hasolé, vendu chez Spar, détient le record avec 112 microgrammes (µ) pour une portion de 40 g de pâte à tartiner. Selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un enfant de 6 ans pesant 20 kg ne devrait pas consommer plus de 40 µ de 3-MCPD par jour. Or, avec une tranche de pain garnie de 40 g de Hasolé, il ingurgite 112 µ de 3-MCPD, soit près de trois fois la dose maximale recommandée. Le produit de Spar est donc «insatisfaisant».
Le détaillant répond qu’il va aborder le problème avec le fabricant. Les Nutella, Prix Garantie et Coop Fairtrade Havelaar affichent, de leur côté, des résultats «peu satisfaisant» avec des quantités respectives de 28,8 µ, 32 µ et 33,6 µ pour une portion de 40 g. Avec une tartine, un enfant avale déjà la moitié de la quantité maximale recommandée par l’OMS. Ces produits ont donc été jugés «peu satisfaisant».
Plus globalement, selon les experts, les enfants absorbent 10 à 20 fois plus de 3-MCPD pendant les repas que les limites recommandées par l’OMS. La raison? Ce contaminant est présent dans de nombreux aliments. On en trouve dans beaucoup de biscuits au chocolat, comme l’avait démontré le test de Bon à Savoir (lire «Biscuits peu affriolants», BàS 11/2009*), mais aussi dans le pain, les nouilles, la nourriture pour bébés, la viande et le poisson.
Les réactions des fabricants Ferrero, qui fabrique le Nutella, estime que les procédures d’analyse pour le 3-MCPD sont peu fiables et souligne qu’il n’existe pas de valeur limi te légale en Suisse pour les préparations à tartiner au chocolat. Pourtant, le groupe agroalimentaire précise travailler «de manière intensive» à la réduction du 3-MCPD dans son produit.
Coop fait aussi observer qu’il n’existe aucune valeur limite de 3-MCPD dans notre pays. Son produit est donc «clairement conforme à la loi». L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) ne voit pas de raison de légiférer sur le sujet dans l’immédiat et attend une évaluation de ce contaminant par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Test gustatif
Nous avons également soumis les pâtes à tartiner à cinq dégustateurs. Leur mission: évaluer l’apparence, l’odeur, le goût et la consistance des treize produits. Deux d’entre eux étaient quasiment parfaits: Nutella et Nutoka. En revanche, les experts n’ont pas du tout apprécié le Prix Garantie, le Samba, l’OK et le Coop Havelaar. Leurs commentaires pour ces quatre marques sont à découvrir dans le tableau ci-dessous.
Beat Camenzind / Seb
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
ORIGINES DES GRAISSES
Huile de palme dans tous les pots
Nouvelle peu réjouissante: tous les produits analysés contiennent de l’huile de palme, responsable de problèmes environnementaux et de santé (lire encadré «Les critères du test»). Seuls trois d’entre eux le mentionnent toutefois clairement sur leur emballage: Coop Fairtrade Havelaar, Samba Rapunzel et Prix Garantie.
Plusieurs détaillants minimisent cette présence. Migros, Lidl, Manor et Tamoil précisent ainsi que la principale huile utilisée est celle de colza. Coop écrit que son produit estampillé Fine Food n’en contient que 0,5% et que la grande partie des graisses provient directement des noisettes. Le distributeur ajoute quand même que l’huile de palme a «la fonction de stabilisateur et garantit la conservation du produit pendant 12 mois». Denner, qui cite le fabricant Ferrero, affirme que cette huile fait partie d’un mélange de graisses végétales procurant le goût et la consistance souhaités par les clients. Elle joue ainsi le rôle de «stabilisateur d’oxydation, tout en étant très neutre au niveau du goût».
Spar dit être en discussion avec le fabricant pour étudier d’autres solutions possibles.
A noter qu’il existe des pâtes à tartiner, souvent artisanales, sans huile de palme de ni 3-MCPD. C’est le cas, par exemple, de la Chocoladen Haselnuss-Crème, de Sprüngli, testée par notre partenaire alémanique K-Tipp, mais disponible seulement outre-Sarine ou en ligne (www.spruengli.ch).
Seb
LES CRITÈRES DU TEST
Les substances problématiques
Nous avons recherché, dans les pâtes à tartiner, la présence des substances potentiellement dangereuses suivantes.
3-MCPD
Le 3-monochloropropane-1,2-diol (3-MCPD) est un contaminant qui apparaît pendant la transformation des aliments. Il se forme dans les denrées qui contiennent des matières grasses, notamment de l’huile végétale raffinée comme l’huile de palme, lorsqu’elles sont portées à des températures élevées au cours de la production. Des études ont associé le 3-MCPD à l’infertilité chez les rats et à la suppression de la fonction immunitaire. L’Institut allemand d’évaluation des risques estime qu’il endommage les reins et le soupçonne de provoquer le cancer. En 2001, l’UE a défini une dose journalière tolérable de 2 microgrammes (µ) par kg de poids corporel.
Aflatoxine
L’aflatoxine est une mycotoxine produite par un champignon des régions chaudes et humides. Elle peut être présente dans des aliments tels que les noisettes, les arachides, le maïs, le riz, les figues et autres aliments secs, les épices, les huiles végétales brutes et les fèves de cacao, à la suite d’une contamination avant ou après la récolte, par exemple lorsque l’aliment est mal stocké. L’aflatoxine est génotoxique et cancérogène. La limite suisse a été fixée à 4 µ par kg pour les noisettes.
Cadmium
Ce métal lourd pénètre dans l’environnement à partir de sources naturelles ou par le biais de l’industrie et de l’agriculture. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a fixé une dose hebdomadaire tolérable de 2,5 µ par kg de poids corporel. Le cadmium est toxique pour les reins, mais il peut aussi causer une déminéralisation des os. Le Centre international de recherche sur le cancer le considère comme cancérogène.
Nickel
Il constitue avant tout un problème pour les personnes allergiques. Selon les experts, la consommation de nickel contenu dans des aliments ne crée pas l’allergie, mais, pour les personnes déjà sensibles à ce métal lourd, une forte présence dans un aliment peut constituer un risque.
Huile de palme
Sa production pose des problèmes environnementaux – déforestation no tamment – et sa consommation excessive entraîne des risques pour la santé, favorisant les maladies cardiovasculaires. Autre danger: quand l’huile est chauffée à haute température lors de la fabrication d’un aliment, du 3-MCPD peut se former.