«Bon à Savoir» et «On en Parle» (RTS-La Première) ont enfilé leur maillot de bain pour visiter les jacuzzis de douze établissements thermaux prisés des Romands. Mission: déterminer si vous faites trempette dans des bassins propres. Camouflés en simples baigneurs, nous avons, non sans peine, caché plusieurs bouteilles pour les prélèvements dans les poches de nos peignoirs et sous nos linges. Le jeu en valait la chandelle, puisque les analyses, qui ont porté à la fois sur la qualité microbiologique (bactéries, germes) et chimique (chlore, THM) de l’eau, fournissent des conclusions claires. Ainsi, l’eau des jacuzzis visités était généralement bonne du point de vue microbiologique. Mais le constat est nettement moins réjouissant sur le plan chimique.
Cancérigènes en excès
«Les résultats concernant les trihalométhanes (THM) sont totalement insatisfaisants et doivent être corrigés!», s’exclame Claude Ramseier, chimiste cantonal fribourgeois, à qui nous avons demandé de commenter les résultats. Huit prélèvements sur douze, soit les deux tiers, dépassent en effet les valeurs maximales admises, avec un pic à 283 µg/L au Leukerbad Therme de Loèche-les-Bains (voir tableau).
Mais quel problème ces THM posent-ils donc? En bref, le chlore utilisé pour désinfecter l’eau oxyde les matières organiques amenées par les baigneurs (résidus de peau, saletés, cosmétiques, etc.). Cette réaction crée des sous-produits dont les THM. Parmi ces derniers, le chloroforme. «Cette substance, autrefois utilisée comme anesthésiant, est toxique pour le foie, les reins et le système nerveux», explique Claude Ramseier. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) le soupçonne ainsi d’être cancérigène.
Tout en confirmant l’importance du respect des normes fixées, Thierry Buclin, pharmacologue et toxicologue clinique au CHUV, relativise le danger: «Au niveau individuel, un baigneur occasionnel ne doit pas s’inquiéter.» Le risque dépend de la fréquence d’exposition. Mais le spécialiste souligne qu’il restera, de toute manière, bien en deça de celui, par exemple, lié à une exposition au tabac.
Selon Claude Ramseier, les taux découverts ne justifient pas une fermeture des bassins. Les
283 µg/L du Leukerbad Therme représentent néanmoins un «dépassement très important des normes nécessitant des mesures immédiates». Les solutions les plus pertinentes consistent à adjoindre du charbon actif à la filtration ou à changer l’eau. Informé des résultats, Leukerbad nous a répondu avoir tout de suite pris des dispositions: accélération du renouvellement de l’eau, changement des filtres d’aération et demande aux clients de bien se doucher avant la baignade, avec contrôles des garde-bains.
Ailleurs, Anzère Spa & Welness (VS) s’est engagé à changer son filtre à charbon actif, alors que les Bains d’Ovronnaz ont annoncé des contrôles poussés, notamment de leur système de filtration. De manière générale, les établissements thermaux ont réagi positivement à nos résultats en annonçant diverses mesures.
Bactéries: bons résultats
Si les résultats des THM étaient insatisfaisants, ceux des analyses microbiologiques sont réjouissants. «Au niveau des germes, il n’y a pas de souci», résume Claude Ramseier. En d’autres termes, l’eau dans laquelle vous barbotez est propre! Aucun établissement ne dépassait les normes pour les germes aérobies mésophiles, même si les résultats des Bains de la Gruyère (FR) et du Thermes Parc - Les Bains du Val d’Illiez (VS) sont plus élevées qu’ailleurs. Bilan impeccable pour les entérocoques fécaux et les pseudomonas, alors qu’une seule ombre entache le tableau des E.coli, décelées en petite quantité aux Bains de Cressy (GE). «Cela peut arriver si un baigneur venait d’entrer dans l’eau sans s’être bien douché au moment des prélèvements. Les E.coli sont ensuite rapidement détruites par le chlore», rassure le spécialiste.
Un peu de légionnelles
Les données concernant les légionnelles, des bactéries pathogènes responsables de la légionellose, dont la forme grave est potentiellement mortelle, sont également satisfaisantes. Un seul bain a dépassé les normes. Selon le chimiste cantonal fribourgeois, la valeur décelée ne présente pas un danger pour la santé, même si des mesures doivent être prises. Thermes Parc dit avoir appelé en renfort le chimiste cantonal valaisan et les fournisseurs de son système de traitement.
Enfin, des niveaux de chlore parfois un peu trop légers ont été constatés. Il s’agit, ici, d’affiner le réglage des machines. Un seul relevé particulièrement bas, aux Bains de Lavey, soulevait quelques inquiétudes, sachant qu’il peut favoriser la présence de bactéries, notamment pathogènes. L’établissement vaudois affirme que la situation est désormais réglée.
Sébastien Sautebin / Bernard Utz
En détail
Les critères du test
Les experts du laboratoire que nous avons mandaté ont recherché les substances suivantes.
1. Trihalométhanes (THM)
Soupçonnés d’être cancérigènes, ils pénètrent dans le corps par la respiration, la peau et l’ingestion d’eau.
2. Chlore
Il est utilisé pour désinfecter l’eau. Des taux insuffisants favorisent la présence de bactéries, et un excès peut présenter un risque pour la santé.
3. Urée
Composant majeur de l’urine et de la sueur, elle est amenée dans l’eau par les baigneurs. C’est un indicateur de la propreté de l’eau et de l’hygiène des visiteurs, mais aussi du taux d’apport en eau fraîche, qui est insuffisant en cas de concentration d’urée élevée.
4. Légionnelles
Ces bactéries pathogènes provoquent la légionellose, un genre de pneumonie. En constante augmentation en Suisse, cette maladie grave a une issue parfois fatale.
5. Pseudomonas
Il s’agit d’agents pathogènes peu virulents pour les individus en bonne santé mais redoutables chez les personnes fragilisées.
6. et 7. E. coli et entérocoques
Leur présence indique une pollution fécale. Certaines souches peuvent provoquer des troubles gastro-intestinaux graves.
8. Germes aérobies mésophiles (GAM)
Ils ne présentent pas de danger, mais fournissent une indication sur la propreté de l’eau.
La qualité de l’eau des jacuzzis a été évaluée selon la norme SIA 385/9 et la nouvelle ordonnance du DFI sur l’eau des installations de baignade et de douche accessibles au public (OPBD) qui s’en inspire et qui entrera en vigueur le
1er mai de cette année.