Manor a lancé hier (17.12.2013) un rappel en magasin des filets d’anchois en conserve de la marque Albo. Le lot concerné, des boites de 20 g portant la date limite de consommation «05.2014», accuse une teneur en histamine trop élevée. Les clients sont invités à retourner l’article au magasin contre remboursement.
Or, ce n’est pas la première fois que le taux d’histamine pose problème: il y a moins d’un mois, Migros avait dû retirer un produit similaire pour la même raison. C’est le laboratoire cantonal de Zurich qui avait informé l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP) du problème. La valeur d’histamine maximale admise dans les produits de la pêche varie de 100 à 200 mg par kilo en fonction du type de marchandise. Pour les produits finis comme les préparations aux anchois, elle est de 200mg/kg.
Intoxication et allergie
L’histamine est une molécule présente de manière naturelle dans les tissus de nombreux animaux. Fabriquée à l’intérieur même de l’organisme, elle y joue de multiples rôles.
Mais c'est seulement en surdose qu’elle pose problème, engendrant des symptômes similaires à ceux d’une allergie: rougeurs, éruption cutanée, sensation de brûlure dans la gorge, démangeaisons, difficultés respiratoires. Logique, car un aliment qui provoque une réaction allergique force précisément l’organisme à relâcher de grandes quantités d’histamine dans le corps. Il est donc facile de confondre une allergie au poisson avec une intoxication histaminique (lire notre récente actualité en ligne: l’histamine, une amie pas si sympa).
L’ingestion d’un produit contaminé présente un risque sanitaire certain lorsque la valeur limite de 200 mg/kg est largement dépassée. Un cas pas si exceptionnel: en 2008, suite à l’intoxication alimentaire de plusieurs clients, un restaurateur a déposé deux échantillons de thon au Service de la consommation et des affaires vétérinaires de Genève. Après analyse, il s'est avéré qu’ils contenaient des concentrations d’histamine de 1900 mg/kg et 4400 mg/kg, soit très largement plus que la limite autorisée!
Distinguer la semi-conserve de la conserve
Selon André Cominoli, chimiste cantonal adjoint du canton de Genève, «la température de conservation semble jouer un rôle prépondérant dans la formation de l’histamine.» En effet, une exposition à la chaleur plus ou moins prolongée peut générer la prolifération de bactéries capables de transformer l’histidine, un acide aminé présent naturellement chez de nombreuses espèces de poissons, en histamine.
Or, les boîtes d’anchois sont particulièrement sensibles à ce problème. A la différence d’autres produits, ce sont, en effet, très souvent ce qu’on appelle des «semi-conserves», c’est à dire des produits conditionnés en récipients fermés, mais qui ne se conservent que pendant une durée limitée et à condition d’être gardés au frais. D’après André Cominoli, «si un rappel de marchandise a lieu, c’est vraisemblablement que les conditions de stockage avant achat n’ont pas été optimales. Par principe de précaution, la température de stockage des semi-conserves d’anchois devrait être contrôlée de la fabrication à la remise aux consommateurs (par exemple, 5 °C). Cette manière de faire permettrait d’éviter la formation rapide d’histamine et par conséquent de mieux assurer la sécurité alimentaire».
On peut, dès lors, se demander si les grandes surfaces prennent suffisamment de précautions avec les produits conditionnés en semi-conserve. Pour le consommateur en tout cas, il est difficile de différencier une conserve d’une semi-conserve, généralement rangées les unes à côté des autres sur les mêmes rayons et à température ambiante! Il est pourtant important de faire la différence et de laisser ces dernières au frigo après achat.
Vincent Cherpillod