Les Suisses avalent 1082 tasses de café par année et par personne, selon les dernières statistiques de l’Association CafetierSuisse. Ce qui place notre pays au quatrième rang mondial derrière la Finlande, l’Autriche et la Norvège.
Si la pause-café à domicile ou au bistrot du coin a la préférence des amateurs d’arabica, la consommation à l’emporter n’a pas à rougir non plus de son succès. Aujourd’hui, on avale son moka en marchant, dans le bus ou à la gare, juste avant de sauter dans le train. Et dans un gobelet jetable qui plus est! Tandis que le café crème demeure le plus apprécié des Suisses, les spécialités lactées comme le cappuccino et le latte macchiato rencontrent un succès grandissant (lire encadré «Pratique»).
Le lait? Un nid à bactéries!
«Les boissons à base de lait sont un milieu idéal pour le développement des bactéries. Car elles contiennent de l’eau, mais aussi des glucides, dont du lactose ainsi que des protéines», explique André Cominoli, chimiste cantonal adjoint à Genève. Dès lors, les enseignes proposent-elles toutes des breuvages au-dessus de tout soupçon? Avec nos confrères de l’émission On en parle (RTS-La Première), nous avons mené l’enquête.
Pour ce faire, nous avons endossé le rôle d’un pendulaire qui va à son travail, en train et nous nous sommes rendus incognito dans les gares de Bienne, Fribourg, Genève, Delémont, Neuchâtel, Sion et de Lausanne pour acheter un cappuccino. Nous avons ensuite confié notre récolte au Laboratoire cantonal de Genève (lire encadré «En détail»).
Un seul échantillon non conforme
Verdict: les résultats sont très bons. Sur les 21 échantillons analysés, seul la boisson achetée chez K Kiosk à Fribourg est jugée non conforme. L’analyse a en effet révélé une quantité excessive de Bacillus cereus: 40 000 unités par gramme, soit quatre fois la limite admise. Cette bactérie est très répandue dans la nature et les sols. Présente en quantités trop importantes, elle peut provoquer des symptômes comme des nausées, des vomissements, des diarrhées ou des crampes abdominales. On la retrouve principalement dans le riz et les céréales, dans les épices, les champignons séchés, les pommes de terre ainsi que dans les sauces et certains desserts comme les crèmes et les puddings.
Selon André Cominoli, la présence de Bacillus cereus dans notre cappuccino trouve vraisemblablement son origine dans un nettoyage insuffisant de la machine à café. «Si cette concentration de bactéries avait concerné un échantillon prélevé dans le cadre d’un contrôle officiel effectué par le SCAV de Genève, l’enseigne aurait reçu un avertissement et les frais d’analyse lui auraient également été facturés», précise-t-il encore.
Confronté à ce résultat sans appel, la société se dit extrêmement surprise. «Nous avons immédiatement pris les mesures nécessaires», indique Dominic Stöcklin, porte-parole du groupe Valora qui possède K Kiosk. La machine a été soumise à un nettoyage complet et les gobelets ont tous été remplacés. Un échantillon a également été prélevé à des fins d’analyse et une formation spéciale a été dispensée au personnel», précise-t-il encore.
Grosses différences de prix
Nous avons également recherché la présence de germes aérobies mésophiles (GAM). Qui se développent dans l’air à une température comprise entre 25°C et 30°C. Même si la plupart de ces bactéries ne sont pas dangereuses pour la santé, elles traduisent toutefois une altération du produit. Si aucune boisson n’a été jugée non conforme sur cet aspect-là, le laboratoire a toutefois mesuré de grosses disparités dans les concentrations. Une fois encore, le café acheté chez K Kiosk à Fribourg arrive en queue de peloton. Il en contenait 280 000 unités par gramme contre moins de 100 pour les meilleurs. Ce résultat demeure néanmoins très au-dessous de la norme admise (1 million d’unités/g).
A une seule exception, nos cappuccinos ont donc une hygiène irréprochable. On ne peut pas en dire autant des prix qui sont pour le moins élastiques: nous avons dû débourser 5.90 fr. au Starbucks de Genève contre 2.80 fr. seulement aux Coop Pronto de Bienne et de Delémont.
Chantal Guyon / Carole Despont
Les coulisses de l’enquête
Notre enquête a été menée anonymement et les échantillons ont été confiés pour analyse au Service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV) de Genève. Nous nous sommes rendus dans une vingtaine de lieux proposant des cafés à l’emporter dans les différentes gares romandes ainsi que dans celle de Bienne. Les enseignes ont été sélectionnées par tirage au sort. Starbucks ne figurait pas dans le résultat final. Nous avons toutefois décidé de retenir cet établissement en raison de son succès important en Suisse.
Nous nous sommes ensuite fait passer pour de simples clients et avons acheté un cappuccino, que nous avons ensuite discrètement versé dans des sachets stériles. Les échantillons ont enfin été déposés dans une glacière avant d’être apportés rapidement au SCAV.
Pratique
Le langage du café
Pour ne pas mourir idiot, voici un petit aperçu des principaux cafés à base de lait.
Café crème: expresso allongé (avec un peu plus d’eau) sur lequel on ajoute un peu de lait avec un jet de vapeur.
Cappuccino: expresso allongé accompagné de mousse de lait et sur lequel on saupoudre un peu de cacao.
Macchiato: expresso avec un peu de lait.
Latte macchiato: variante du cappuccino mais à trois étages: le lait se trouve en bas, le café au milieu et la mousse de lait froid en haut.
Café au lait ou caffè latte: café crème avec du lait chaud et peu de mousse.
Il contient environ deux tiers de café pour un tiers de lait. En Suisse romande, il est connu sous l’appellation «renversé».