Les guerres de succession ne sont, hélas, pas réservées aux grandes dynasties. Toutes proportions gardées, les «gens normaux» se disputent aussi au moment de se répartir les biens d’un proche décédé. Mieux qu’un testament, un pacte successoral permet souvent de désamorcer les conflits en traitant à l'avance les questions délicates.
Ce pacte n’est rien d’autre qu’un contrat avec ses règles propres. Pour être valide, il doit obligatoirement être signé devant un notaire avec l’ensemble des héritiers, tous majeurs et capables de discernement, ainsi que devant deux témoins. Aucune des parties ne peut, par la suite, modifier le pacte sans l’accord écrit de tous les autres. En revanche et contrairement au testament, un membre du pacte peut renoncer à tout ou partie de sa «réserve héréditaire», à savoir la part d’héritage minimale à laquelle il a droit de par la loi.
Clarté et transparence
Le pacte a aussi l’avantage de transmettre aux héritiers une situation claire et transparente. Par exemple, la mère de Paul désire lui accorder une avance d’héritage pour construire sa maison ou créer une entreprise. Grâce au pacte, les autres membres de la famille sauront immédiatement de quoi il retourne plutôt que d’apprendre les termes de la transaction à l’heure du décès.
Un pacte est aussi un gage de sécurité contre les changements, prévisibles ou non. Un couple sans enfant qui souhaite mettre des limites à la voracité de la famille des époux déterminera ainsi la part successorale que touchera chacun des conjoints survivants. Inversement, cette même famille, redoutant que toute la fortune du clan prenne le chemin de l’épouse et de sa descendance à la mort du mari, négociera une clé de répartition qui lui soit plus favorable.
Autre cas de figure: deux époux souhaitent se favoriser mutuellement à la mort de l’autre. Le pacte inscrit la règle dans le marbre, alors que, si chacun rédigeait un testament dans son coin, l’un des conjoints pourrait modifier ses volontés en catimini, au profit d’un tiers…
«On ne pense pas à tout»
Présidente de la Chambre des notaires de Genève, Valérie Marti observe dans sa pratique que le pacte successoral est un outil toujours plus utilisé. Ce dont elle se félicite, car «il est difficile de penser à tout en rédigeant un testament». Elle recommande cette forme pour les successions complexes, telles que les familles recomposées (lire encadré), ou lorsque des sommes importantes sont en jeu. En revanche, elle le déconseille aux jeunes dont la situation familiale est susceptible d’évoluer, sachant que modifier un pacte demande beaucoup d’énergie, sans garantie de succès.
Philippe Chevalier
Lire les précisions apportées après publication.
Famille recomposée, je te hais
Qui dit mariage dit divorce, une fois sur deux! Lorsque les enfants sont impliqués, les successions se muent en casse-tête.
Exemple: Jules a une fille, Clara, issue d’une première union. Il s’est remarié avec Gabrielle qui a donné le jour à Léo. Chacun des conjoints possède une fortune de 100 000 fr. Sans testament, à la mort de Jules, Gabrielle touchera la moitié du patrimoine, Léo et Clara se répartissant équitablement l’autre moitié, soit 25 000 fr chacun. Mais, au décès de Gabrielle, tout ce qui reste de l’héritage ira à son fils biologique, Léo, Clara n’ayant droit à rien de sa belle–mère.
En revanche, si Gabrielle décède la première, ses avoirs seront répartis à parts égales entre Jules et son fils Léo. A ce stade, Clara ne touche rien. Mais, au décès de Jules, le patrimoine (100 000 fr. + 50 000 fr. de Gabrielle) sera partagé entre les deux enfants biologiques, à raison de 75 000 fr. chacun.
On voit que la part de Clara est de 25 000 fr. dans un cas et de 75 000 fr. dans l’autre, selon que la «Faucheuse» frappe son père ou sa belle–mère en premier. Les parents peuvent toutefois modifier la part d’héritage de l’un ou de l’autre de leurs enfants, essentiellement en diminuant leurs parts respectives, en rognant au besoin sur leurs réserves héréditaires. Mais sans entamer celles des enfants mineurs, car ils ne sont pas parties au pacte.