Les producteurs de thé sont sous haute surveillance. Car pour eux, la tentation est grande de traiter leurs précieuses cargaisons en recourant à des fongicides et des insecticides. Du côté des chimistes cantonaux, la lutte est permanente. Du reste, dans son rapport annuel 2001, le Laboratoire cantonal de Zurich soulignait l’importance de poursuivre les contrôles réguliers de ces denrées.
• Substances recherchées
De quoi les emballages de thé sont-ils réellement remplis? Pour en avoir le cœur net, Bon à Savoir a confié l’analyse de dix thés verts et dix thés noirs au laboratoire allemand du Dr Haase-Aschoff. Celui-ci a ciblé ses recherches sur une quinzaine de pesticides couramment utilisés, dont le fenvalerate, le fuvinate, l’éthion, le methiadion, la perméthrine, la fenpropathrine et le DDE (un dérivé du tristement célèbre DDT). En Suisse, un seuil limite a été fixé pour toutes ces substances.
Résultat réjouissant
Le résultat des analyses est réjouissant. Une seule substance incriminée – le malathion, un insecticide – a été décelée dans trois thés et ce, en quantité minime, sans danger aucun pour la santé. En effet, la valeur limite pour cet insecticide est de 0,5 milligramme par kilo de thé. Or, les quantités trouvées par le laboratoire sont près de dix fois plus petites. Le vainqueur du test de dégustation, le thé noir Darjeeling Namring, en contenait 0,04 mg/kg, l’Earl Grey de Tetley en recelait 0,06 mg/kg et dans le thé vert instantané de Ricola, le taux s’élevait à 0,08 mg/kg.
Des quantités qui ne sont pas critiques, d’autant que les analyses montrent que ces valeurs sont encore à diviser par vingt, une fois le thé infusé. Malgré tout, Ricola a réagi et a procédé à ses propres tests, qui se sont révélés négatifs. Le fabricant a indiqué qu’il allait analyser les feuilles de thé de ces fournisseurs et «remplacer immédiatement» d’éventuelles matières premières trop chargées en substances nocives.
Ces résultats sont d’autant plus réjouissants qu’un test d’une trentaine de thés effectué par Bon à Savoir en 1999 avait relevé que 16 produits contenaient des résidus de pesticides. Et quatre parmi eux en affichaient même un taux supérieur aux limites tolérées.
Dégustation
Bon à Savoir n’a pas seulement vérifié si les thés étaient dénués de substances nocives, mais a également passé ces breuvages au test des papilles. Ainsi, nous avons fait appel à quatre dégustateurs, tous spécialistes du thé: Rolf Hiltl, Yumi Mukai, Peter Oppliger et Hans Schwarz. Ceux-ci se sont basés sur des critères de
couleur, d’odeur et, bien entendu, de goût: est-il définissable, typique pour son origine, l’arôme du thé vert est-il mis en valeur?
Les testeurs ont aussi pris en compte la faculté des emballages à protéger le thé contre la lumière et les déperditions d’arôme (voir tableau).
Les vingt produits dégustés représentent une large palette de thés verts et noirs: en vrac, en sachets, instantanés, purs ou aromatisés, de marques connues ou non. Des produits certes très disparates, mais qui sont tous issus de la même espèce de plante, seuls l’âge et le temps de séchage des feuilles étant différents: pour le thé noir, on active la fermentation naturelle et l’oxydation des feuilles tandis qu’on la stoppe pour le thé vert.
• Thés verts: parmi les thés verts, on a relevé d’importantes différences de goût et les produits en vrac ont littéralement surclassé les sachets. Dans le peloton de tête, on relèvera le thé de jasmin de la maison zurichoise Wühre («aromatique», «parfumé»), le thé de la province chinoise du Yunnan, disponible en droguerie («citronné», «saveur fine») et le Chun Mee de la Migros, qui obtient une note générale de «bonne», son bas prix n’étant visiblement pas un handicap.
Quant aux sachets, ils n’ont guère convaincu. Si la marque Tea Time s’en tire avec l’appréciation «suffisant», les autres thés aromatisés n’ont pas trouvé grâce: goût artificiel voire médicinal, aigrelet, amer, arrière-goût savonneux ou carrément imbuvable – le jugement est sévère.
La lanterne rouge a été décrochée par le thé vert à l’arôme menthe de Ricola. Un produit difficilement comparable aux autres, puisque cette poudre instantanée contient beaucoup de sucre et d’herbes aromatiques. On en vient même à se demander si l’appellation de thé vert se justifie encore.
• Thés noirs: pour les thés noirs, les dégustateurs ont trouvé moins de différen-
ces de goût. Là aussi, les produits en vrac se sont distingués. Le Darjeeling Namring, disponible en droguerie («arôme plein», «légèrement fumé») et le thé Assam TGFOP de Globus («parfumé», «doux», «âpre») ont eu les faveurs du jury, mais quatre autres thés en sachets ont également obtenu l’appréciation «bon» (voir tableau).
En revanche, l’examen de la qualité des feuilles de thé a relevé un côté peu appétissant: des granulés artificiels, dont étaient parsemés deux des trois Earl Grey.
Goût de pneu
Enfin, seul un thé noir, le thé fumé Lapsang-Souchong de Globus, a fait l’unanimité contre lui, le jury allant jusqu’à lui trouver un arrière-goût de pneu.
Commentant cette dégustation, la maison Fritz Walther, importatrice des thés Twinings, a tenu à relever qu’il était problématique de comparer des thés si différents les uns des autres. Réponse de l’un de nos testeurs: «Une dégustation minutieuse permet quand même de déterminer si un thé est bon ou mauvais, quelles que soient les différences entre les produits à goûter.» Et c’est justement ainsi qu’on le déguste d’habitude dans le commerce.
Rolf Muntwyler / ew