Le thé vert a le vent en poupe et se vend sous toutes les formes possibles et imaginables: boissons, pilules, gouttes, crèmes, savons, etc. Un succès dû notamment aux nombreux effets bienfaisants qu’on lui prête. Il empêcherait le cancer, freinerait le vieillissement, préviendrait l’artériosclérose, abaisserait le taux de cholestérol et décrasserait le corps de bien des substances nocives!
Ce que les consommateurs ignorent, c’est que le thé vert peut aussi contenir des substances nocives. Comme il provient de pays tropicaux, il est souvent cultivé en monoculture. Un terrain de prédilection pour les parasites et autres champignons. D’où l’utilisation massive de pesticides. Or, insecticides et fongicides laissent des traces dans le thé, surtout quand elles sont répandues juste avant la récolte.
Bon à Savoir a voulu savoir si les infusions vendues en Suisse contenaient de tels résidus toxiques. Car même si les pesticides sont difficilement solubles dans l’eau, 10 à 15% parviennent dans l’infusion. La rédaction a donc soumis à analyse 30 thés verts, (dont un semi-fermenté, le Oolong) vendus par des grands distributeurs, des drogueries et des magasins diététiques.
Résultats
Le test, effectué par Interlabor de Belp (BE), a relevé que 16 produits contiennent des résidus de pesticides. Et quatre parmi eux (voir tableau en page 16) en affichent même un taux supérieur aux limites européennes. Ils ne peuvent donc être recommandés.
Lorsque un taux limite en vigueur en Suisse est dépassé, les chimistes cantonaux doivent retirer le produit de la vente. Lorsque seul le seuil de tolérance – une indication pour les fabricants – est dépassé, les autorités doivent enjoindre les producteurs à s’y conformer dans un délai donné. Mais la marchandise peut rester en vente.
Les thés testés dont la teneur en pesticides dépassait ce seuil n’obtiennent que l’appréciation «recommandés sousréserve» dans notre tableau. Ceux dont les résidus de pesticides sont inférieurs au seuil de tolérance figurent parmi les produits «recommandés».
Les pesticides trouvés
Voici les pesticides découverts par les spécialistes d’Interlabor:
• Fenvalerate: neuf des infusions contenaient cet insecticide, de la famille des pyrethroïdes, le plus utilisé des cultivateurs de thé.
Le taux limite pour le fenvalerate, fixé par l’Union européenne, était de 1,5 mg/kg. Fin octobre 1998, l’UE l’a assoupli à 10 mg/kg, limite obligatoire dès le 1er août prochain. Cependant, cet assouplissement est contesté. L’organisation allemande de défense des consommateurs Stiftung Warentest écrit par exemple que cette nouvelle norme n’a été introduite qu’à cause de pressions massives exercées par l’association allemande du thé.
C’est pourquoi Bon à Savoir s’est référé à l’ancien taux limite de 1,5 mg/kg pour son appréciation. La Suisse, elle, ne connaît pas de taux limite, mais fixe le seuil de tolérance à 1,0 mg/kg. Une limite dépassée par sept thés:
- • Sherwood Thé vert
- • (2,08 mg/kg);
- • H & O OolongTea
- • (1,79 mg/kg);
- • Thé vert à la menthe
- • (1,58 mg/kg);
- • Twinings Green Tea and
- Lemon (1,35 mg/kg);
- • Kinlong Thé vert
- • (1,28 mg/kg);
- • Gunpowder Thé vert
- • (1,08 mg/kg);
- • Jasmin Tea (1,06 mg/kg).
Retiré du marché
La maison Pagès, fournisseur français du distributeur Haecky SA, a justifié la teneur élevée de fenvalerate de son Sherwood thé vert par le fait qu’elle se conforme au nouveau taux limite admis par l’UE depuis fin octobre dernier. Elle juge donc son produit tout à fait en règle, et relève que le pesticide est peu soluble dans l’eau. Ce qui n’a pas dû convaincre Manor, principal client suisse de Haecky SA avant notre test: le grand distributeur a décidé de ne plus vendre le Sherwood. Suite à quoi Haecky a informé Bon à Savoir qu’il allait complètement retirer cette marque du marché suisse.
Quant à Coop, qui vend le thé vert à la menthe, ses responsables ont promptement pris contact avec leur fournisseur, afin qu’il en réduise la teneur en fenvalerate, a indiqué le porte-parole Karl Weisskopf: «Nous prenons cela très au sérieux.»
Le fenvalerate n’est pas seulement inquiétant pour les buveurs de thé, mais aussi, et surtout, pour les travailleurs des plantations de thé. En Inde, par exemple, entre 1982 et 1988, on a enregistré quelque 600 intoxications avec ce produit. La plupart étaient dues à une mauvaise manipulation de l’insecticide. Il est d’ailleurs aussi toxique pour les poissons et les abeilles.
• Permethrine: ce pesticide a été trouvé en quantité supérieure au taux limite de l’UE (1,0 mg/kg) dans le thé vert Kinlong (1,58 mg/kg).
La substance fait partie des pyrethroïdes, tout comme le fenpropathrine et le bifenthrine, deux autres produits chimiques que le laboratoire a également décelés dans quelques thés, mais en quantité inférieure aux valeurs limites.
Autres pesticides
Les spécialistes ont également recherché la présence des pesticides organochlorés et à base de phospore, largement répandus dans les cultures. Ils ont fait mouche deux fois:
- DDE: ce pesticide, apparenté au tristement célèbre DDT, a été trouvé dans cinq thés, mais pas en quantité supérieure au taux limite.
Le DDE est difficilement biodégradable. L’EPA, autorité américaine pour la protection de l’environnement, a aussi établi un lien entre le DDE et le cancer du sein. Ce pesticide représente en outre un fort danger d’intoxication pour les travailleurs des plantations.
- Ethion: Interlabor a découvert cet insecticide dans deux thés – celui de la marque Kinlong et le Mlesna – mais sans dépassement du taux limite.
L’éthion est surtout utilisé contre les chenilles et les sauterelles. L’EPA américain le classe parmi les produits hautement toxiques.
Les importateurs des divers thés verts testés n’ont montré aucune compréhension pour notre manière d’analyser leurs produits. Le Centre suisse de documentation du thé vert salue certes l’information aux consommateurs, mais aurait préféré nous voir utiliser la procédure de test japonaise: «Au Japon, on n’analyse pas les feuilles de thés séchées, mais la boisson toute prête», écrit Peter Oppliger, président. Car les pesticides sont difficilement solubles dans l’eau.
Cependant, la méthode japonaise ne donne aucune indication sur le degré de toxicité pour les travailleurs et les sols des plantations. Et le Centre de documentation semble davantage préoccupé par la bonne réputation des thés verts que par l’environnement. Pas étonnant lorsqu’on sait que Peter Oppliger, le président de l’association, est aussi le directeur de la maison Peter Oppliger SA, importateur d’une large partie des thés verts en Suisse.
La bonne préparation
Laisser tirer peu de temps
La différence entre le thé noir et le thé vert réside dans le traitement de la récolte.
Pour le thé noir, les producteurs laissent se dérouler normalement les processus biochimiques (fermentation) des feuilles, si bien que la chlorophylle prend une couleur brun-noir.
Pour obtenir du thé vert, la fermentation naturelle est stoppée avant, à l’aide de vapeur d’eau chaude. Les feuilles de thé ensuite flétries, roulées et séchées deviennent non seulement plus vertes, mais contiennent aussi davantage de leurs substances originelles. Le thé vert a ainsi une teneur élevée en vitamines A, B, C et P, en oligo-éléments et en polyphénols. On lui attribue divers effets bienfaisants, entre autres des effets digestifs, antidépressifs ou encore régénérateurs de la peau.
Pour obtenir la véritable saveur d’un thé vert, veillez aux points suivants:
- Contrairement au thé noir, le vert ne doit pas être préparé à l’eau bouillante, sinon il devient amer. Température idéale de l’eau: environ 70 degrés.
- Moins l’eau utilisée contient de calcaire, meilleure sera l’infusion.
- Le thé vert ne doit tirer que peu de temps, dans l’idéal entre 30 secondes et un peu plus d’une minute, selon les connaisseurs.
- Pour un litre de thé, il faut 10 à 15 g de feuilles de thé.
- Les feuilles peuvent être réutilisées deux à trois fois.
- Le thé infusé peut être jeté au compost.
Précisions parues dans BàS 08/99
Thé vert retiré
L’un des thés verts testés dans notre dernière édition (BàS 6/99), n’est plus en vente: le Celestial Seasoning Honey Lemon Ginseng a été retiré du marché par la maison Madal Bal SA, qui risquait de figurer sur la liste des firmes vendant des produits illégaux, publiée par l’OICM (Office intercantonal de contrôle des médicaments). L’entreprise ne l’avait pas enregistré à l’OICM, comme il se doit pour tout produit contenant du ginseng.