Les crèmes de jour anti-âge ou antirides entendent retarder le vieillissement de la peau en lui rendant une apparence jeune et ferme. Elles sont composées de moult substances développées par les fabricants: coenzyme Q10, collagène, calcium, acide hyaluronique… Ces recettes miracles font-elles réellement disparaître les marques du temps ou seulement l’argent du portemonnaie?
Pas de miracle pour les rides
La première mission des crèmes de jour est d’assurer une bonne hydratation. «Elles résorbent en premier lieu les rides dues à la sécheresse de la peau», explique Bettina Rümmelein, dermatologue à l’Hôpital universitaire de Zurich. En revanche, les rides traditionnelles, qui résultent de la perte d’élasticité des couches profondes de la peau, sont plus difficiles à traiter.
Dermatologue associé, Secteur environnement-allergie cutanée aux HUG, Pierre Piletta ajoute: «Les produits anti-âge n’éliminent pas complètement les rides profondes; ils ont tout au plus un effet lissant sur celles-ci. Si certaines substances, comme l’acide hyaluronique, ont scientifiquement montré des résultats, ceux-ci ne sont pas toujours visibles à l’œil nu. De plus, certaines molécules ne pénètrent pas facilement l’épiderme, et donc n’accèdent pas ou peu à la couche voulue.»
Un test réalisé par nos confrères du magazine 60 millions de consommateurs (10/2013) a d’ailleurs montré que la composition des crèmes antirides diffère finalement peu de celle d’une lotion hydratante. A tel point qu’un produit standard s’est classé au beau milieu de ses confrères antivieillissement...
Notre test s’est donc concentré sur l’effet hydratant de quatorze crèmes de jour aux propriétés prétendues anti-âge ainsi que sur la présence de substances potentiellement nocives (lire encadré). Les prix de notre échantillonnage s’échelonnent entre 4.95 fr. et 46 fr.
Au final, c’est la Day Cream Q10 de Cien, vendue chez Lidl, qui décroche la première place. Même huit heures après l’application, son effet hydratant est encore très marqué. Elle ne contient aucun des composés problématiques recherchés par le laboratoire et, pour couronner le tout, c’est l’une des moins chères du test!
Si les quatre articles jugés «bon» ont également un pouvoir hydratant convaincant, ce n’est pas le cas des autres. Les valeurs mesurées pour ceux de L’Oréal et de Louis Widmer après huit heures étaient notamment très basses. Quant à la pure & natural de Nivea, elle échoue à la 12e place sur 14, mais pour d’autres raisons. Son nom ne lui fait pas honneur, car le laboratoire y a détecté du méthylisothiazolinone (MIT), un conservateur qu’on retrouve aussi dans la Revitalift Laser 3X de L’Oréal. Sanction, dans les deux cas, avec une pénalité de 0.5 point.
Le MIT est un conservateur qui permet de remplacer les parabènes pointés du doigt pour leurs effets sur la santé. Il est autorisé dans des limites définies par l’Union européenne. Cependant, l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR) a recommandé l’an dernier de reconsidérer son impact, car des études récentes font craindre qu’il soit au moins aussi dangereux que les parabènes et puisse provoquer des réactions allergiques sévères.
«Une véritable épidémie»
Par la voix de Melanie Keigel, le groupe Beiersdorf – propriétaire de la marque Nivea – minimise: «Cet agent de conservation est agréé et conforme aux exigences de sécurité.» Et de préciser pourtant, lorsqu’on évoque les recommandations du BfR, que «Beiersdorf a décidé de remplacer le MIT dans tous ses produits au début de 2015»… L’inquiétude semble en effet légitime, comme le confirme Pierre Piletta: «Nous assistons depuis deux ans à une véritable épidémie d’allergies cutanées provoquées par cette substance!»
L’Oréal, de son côté, n’a pas souhaité s’exprimer. Outre le MIT, sa crème Revitalift Laser 3X contenait du galaxolide, un composé qui sert à remplacer le musc naturel et pour lequel il n’existe pas de valeur maximale tolérée. Il est cependant soupçonné d’être un perturbateur endocrinien.
Du côté des substances aromatiques allergènes, la situation est plus réjouissante. Le laboratoire n’en a détecté que deux, dans la crème de jour d’Olaz, que le BfR classe dans la catégorie B. Une situation qui ne semble pas déranger outre mesure Procter & Gamble, propriétaire de la marque, qui se borne à indiquer qu’il s’agit de composés légalement approuvés.
Signalons encore que ces cosmétiques peuvent tout à fait être utilisés par les hommes, selon Bettina Rümmelein. Et ceux qui sont combinés à une protection solaire sont particulièrement recommandés, car 80% des rides du visage sont provoquées par les rayons UV. Protéger sa peau du soleil est donc la meilleure des préventions.
Gertrud Rall / Vincent Cherpillod
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
EN DÉTAIL
Les critères du test
Le Laboratoire Eurofins (D) a analysé les quatorze articles en fonction des critères suivants.
- Hydratation de la peau: à l’aide d’un cornéomètre, les experts ont mesuré le pouvoir hydratant des crèmes sur la peau du visage de dix sujets âgés de 30 à 50 ans. Les relevés ont été faits avant l’application ainsi qu’après deux, quatre et huit heures.
- Substances problématiques: quatre grands groupes de composés chimiques ont été traqués par la laboratoire. Il y a d’abord les composés aromatiques allergènes répartis en quatre classes (A, B, C et D), la A étant la plus problématique, la D la plus acceptable. La note des crèmes a été abaissée de 0.5 point pour chaque composé des classes A ou B détecté. Ensuite, les experts se sont intéressés aux muscs polycycliques. Il s’agit de parfums artificiels qui s’accumulent dans les tissus adipeux humains et qui sont difficilement dégradables. Certains d’entre eux sont soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens. Enfin, les analyses se sont concentrées sur les thiazolinones et les parabènes, qui sont des conservateurs capables de pénétrer dans la peau. Ils peuvent alors affecter le système hormonal et provoquer des allergies.