Plus personne ne se fait d’illusions: les primes de l’assurance maladie vont – une fois encore – augmenter l’an prochain, vraisemblablement de 6% environ. Ces hausses sont-elles vraiment inéluctables? «Pas du tout, s’exclame Jean-Claude Monnat, directeur d’Accorda, l’une des plus récentes caisses maladie de Suisse. C’est vrai, il va falloir augmenter les primes en 2002. Mais qu’on arrête de faire croire que c’est le seul fait du remboursement des prestations, en laissant entendre que les assurés sont aussi les seuls responsables de cette hausse! Si les primes ne cessent d’augmenter, c’est à cause des réserves complètement disproportionnées, mais exigées par la loi (lire encadré), et surtout à cause d’un système de compensation des risques aberrant (idem).»
L’homme sait de quoi il parle: fatigué d’être accusé des hausses successives de l’assurance maladie, le monde de la santé suisse romand (médecins, pharmaciens, cliniques, etc.) lui a demandé de créer une caisse susceptible de repérer les dysfonctionnements du système et d’y remédier. Accorda est donc née, sans tambour ni trompette, en 1999 et compte aujourd’hui 5400 assu-
rés, dans les cantons de Genève (50%) et Vaud (22%) surtout.
n Primes attractives
Du côté de l’assurance de base (obligatoire), les primes sont attractives, puisqu’elles arrivent régulièrement dans le peloton de tête. «Et cela malgré l’obligation de prélever 34% des primes au titre des réserves et une réassurance intégrale des risques», précise Dominique Fiechter, directeur adjoint.
Mais c’est surtout dans le domaine des assurances complémentaires qu’Accorda innove et prend des allures sociales s’approchant d’une mutuelle. «Contrairement à la tendance générale, explique Jean-Claude Monnat, notre société reste également sans but lucratif dans cette part de marché.» En langage décodé: il n’existe pas, comme c’est le cas avec la plupart des autres caisses maladie, une deuxième société à laquelle on ajoute une SA derrière permettant de dégager des profits avec tout ce qui ne concerne pas l’assurance de base...
Prime bloquée à 60 ans
Du coup, la petite caisse offre à ses assurés une palette complète d’assurances complémentaires pour une prime identique dans toute la Suisse et sans distinction de sexe. Contrairement aux us et coutumes en la matière, les primes n’augmentent pas – souvent massivement – tous les cinq ans, mais de 2% au plus chaque année. Et surtout, elles n’augmenteront plus jamais dès 60 ans, quand bien même il n’y a pas de limite d’âge pour contracter une telle assurance (des réserves sont cependant possibles).
Grandir raisonnablement
Innovation et dynamisme ne sont pourtant pas sans danger. La loi oblige en effet les caisses maladie à assurer (en soins de base) toute personne qui en fait la demande, pour autant qu’elle habite dans l’un des cantons où elles pratiquent. Or, les nouveaux venus arrivent sans leurs réserves (lire encadré)... Accorda souhaite donc s’agrandir, mais... raisonnablement. Les hausses carabinées annoncées pour l’automne prochain le lui permettront-elles?
Christian Chevrolet
complexités légales
Les réserves et la compensation
La loi oblige toutes les caisses maladie à constituer des réserves de sécurité (pour garantir leur solvabilité à long terme et répondre à des situations exceptionnelles), et de fluctuation (pour amortir les coûts non prévus au moment de la fixation des primes). Ces réserves représentant une ponction sur les primes variant entre 15 et 70% selon la taille de la caisse. Or, lorsque l’assuré demande son transfert, ses réserves ne le suivent pas, mais restent la propriété de l’ancienne compagnie. Son arrivée handicape donc sa nouvelle caisse, qui doit reconstituer ses réserves...
Jusqu’en 2005 au moins, les caisses sont également assujetties à un système de compensation des risques: celles qui ont des personnes âgées reçoivent de l’argent, celles qui ont des jeunes en versent. Un système a priori logique, puisque le libre passage est obligatoire. Mais mal fichu, car il tient compte de l’âge et du sexe, mais en aucun cas des traitements médicaux lourds (par exemple pour un jeune malade du sida). Par exemple, une caisse doit verser 194,30 fr. pour chaque assuré genevois de 25 ans. Or, ce même assuré paie une prime de 183 fr. (franchise minimale, sans couverture accident) chez Accorda. Donc, d’entrée, une perte
de 11,30 fr. par mois... Les primes peuvent donc augmenter sans même que les frais de santé fassent de même.