A louer: luxueux grand appartement ancien, 167 m2 + balcons, rénové, reprise: 25 000 fr., loyer: 2580 fr. Cette annonce, parue récemment dans le supplément immobilier du quotidien 24 heures, a attiré
bien des regards. Mais les 25 000 fr. de reprise ont découragé la plupart des chasseurs d’appartement. Sauf une quinzaine d’entre eux qui, plus aisés ou particulièrement pressés de trouver un toit, n’ont même pas abordé le sujet avec la locataire sortante. «De toute façon, ce prix est normal, car je laisse une grande partie de mes meubles, dont les armoires», estime cette dernière.
Ce luxueux appartement et ses meubles ont donc trouvé preneur sans marchandage. Mais la situation aurait pu être différente si toutes les personnes en quête d’un logis avaient connu leurs droits. Dont un particulièrement important: le candidat est absolument libre de refuser une reprise.
Pas de disposition
Il n’existe pas de disposition particulière régissant les cas des reprises. Il s’agit en effet d’un contrat de vente, auquel s’appliquent de manière logique les habituelles dispositions générales sur la vente. On peut toutefois relever quelques points importants:
>Par reprise, on entend généralement la vente de tout ou d’une partie des installations mobiles du locataire sortant à son successeur: Les meubles, les rideaux, la moquette, différents appareils électriques tels que le lave-vaisselle, le lave-linge et la cuisinière, et même les plantes vertes.
>Plus rarement, elle peut aussi porter sur une indemnité versée par le nouveau locataire à l’ancien pour des travaux qu’il a entrepris, notamment des rénovations et modifications de l’appartement.
>La reprise, considérée juridiquement comme «une obligation sans relation directe avec l’usage du lieu loué», ne peut en aucun cas être exigée. Le locataire entrant est donc libre de la refuser.
>La reprise ne doit pas
se transformer en «pas-de-porte», soit une somme que le candidat paierait au locataire afin de s’assurer que l’appartement lui reviendra.
Accord entre locataires
C’est le locataire sortant qui fixe le prix de la reprise. Selon le style, la valeur et le nombre de meubles, ainsi que, il faut bien le souligner, l’intérêt du propriétaire, les prix peuvent donc osciller entre quelques dizaines et plusieurs milliers de francs.
Pas de litiges
Mais, fait intéressant, la pénurie de logements n’a pas fait flamber les prix,
ni multiplié le nombre de reprises. Du moins, pas officiellement, les chiffres étant souvent articulés dans le secret des antichambres… L’Association suisse des locataires (ASLOCA)1 est rarement consultée pour des problèmes de reprise.
Comme la reprise concerne des biens appartenant au locataire sortant, elle consiste en un accord entre celui-ci et son successeur uniquement. La gérance n’a pas de droit de regard sur la somme fixée, ni sur la transaction. Seule exception: lorsque la reprise concerne les frais de rénovation ou de transformation de l’appartement engagés par le précédent locataire.
En tel cas, la prudence s’impose: le futur locataire fera bien de s’enquérir des accords passés entre le bailleur et le locataire précédent, car, parfois, il pourrait être tenu de remettre les locaux dans leur état initial.
Pas de passe-droit
Néanmoins, lorsque les travaux acceptés par le bailleur amènent une plus-value considérable2, c’est la gérance qui rembourse l’indemnité, sur demande, au locataire sortant. Quitte à augmenter le loyer à l’arrivée du nouveau locataire pour rentrer dans ses frais.
Reste un dernier point essentiel: comme le souligne l’ASLOCA, le fait d’accepter une reprise ne donne pas de passe-droit sur l’appartement proposé. Le locataire sortant peut certes recommander quelqu’un comme successeur à la gérance, mais il n’a pas de droit de regard sur le choix final. Celui-ci appartient toujours au bailleur, qui peut imposer un candidat et n’a pas à tenir compte du fait qu’il a accepté ou refusé la reprise.
Véronique Kipfer
(1) sur l’internet: www.asloca.ch
(2) selon l’article 260a, al 3 CO