La grisaille hivernale vous a donné des envies d’évasion, et vous avez décidé de commencer l’année au chaud. L’actualité étant ce qu’elle est – pas toujours aussi rose que le coucher de soleil du prospectus de voyage –, nous avons décidé de mettre un coup de projecteur sur la notion de «force majeure». Formule qui est souvent ressortie, ces derniers temps, mais dont on peine, parfois, à définir les contours… et les limites!
C’est pour ta pomme!
Les récents événements parisiens ont relancé le spectre de l’état d’urgence – aéroports fermés et autres périmètres bouclés. Autant de messages alarmants (et parfois alarmistes) qui déconseillent, voire interdisent, les déplacements vers les lieux touchés. Nombreux sont ceux qui ont dû renoncer au dernier moment à un week-end dans une capitale européenne pour des raisons de sécurité… et de «force majeure». Une formule régulièrement brandie par les compagnies aériennes et les acteurs de la branche du voyage pour justifier une annulation. Avec, à la clé, des vacances perdues et, bien souvent, une absence de dédommagements.
De manière générale, le cas de force majeure – ou de circonstances extraordinaires – est une expression générique regroupant l’instabilité politique, la menace terroriste, les risques liés à la sécurité, les conditions climatiques incompatibles avec la réalisation d’un vol et les grèves. L’idée sous-jacente est que la nature «hasardeuse» de ces événements ne permet pas objectivement d’en faire porter le chapeau à qui que ce soit, lorsqu’un périple doit être annulé.
Qu’il s’agisse des acteurs du transport aérien ou des organisateurs de vacances, en passant par les assurances voyages, tous prévoient dans leurs réglementations ou conditions générales une clause consacrée à ces fameuses circonstances extraordinaires. Le Règlement européen sur les droits des passagers aériens ne fait d’ailleurs pas exception. Il mentionne expressément que, en cas de force majeure, le devoir de la compagnie de dédommager financièrement – par une indemnisation forfaitaire – le passager dont le vol a été inopinément annulé tombe. Inutile de dire que l’enjeu d’avoir une idée précise de cette notion de force majeure est...majeur!
Un refuge confortable
On comprend bien qu’il s’agit d’événements imprévus, atteignant un certain degré de gravité et, surtout, qui ne devraient pas être invoqués à la légère. «Devraient», car les compagnies aériennes ou même les voyagistes ont malheureusement tendance à un peu trop facilement se réfugier derrière le cas de force majeure pour refuser de dédommager les consommateurs dont le séjour se trouve annulé à la dernière minute! On pense notamment aux avaries techniques dont sont trop souvent victimes les avions…
Bonne nouvelle sur ce point-là toutefois: les droits des passagers aériens ont été considérablement renforcés, l’automne dernier, à la suite d’une décision des juges européens. En effet, les problèmes techniques ont été «destitués». La Cour européenne a estimé que ces défaillances inopinées sont inhérentes à l’exercice normal du transport aérien et qu’elles ne constituent pas des «circonstances extraordinaires». Seul un vice caché de fabrication affectant la sécurité ou des dommages causés par des actes de sabotage ou de terrorisme sont de nature à libérer les compagnies de l’obligation d’indemniser les clients en cas de retard ou d’annulation. Il s’agit d’un grand pas vers une protection accrue des passagers aériens, plus vulnérables que jamais…
T’as vu l’actu, coco?
Pour le reste, gardons à l’esprit que même la plus objective des circonstances extraordinaires garde toujours une part de subjectivité. Elle ne doit donc pas fermer définitivement la porte à tout dédommagement si les raisons invoquées auraient pu être évitées en prenant des mesures raisonnables. Une grève annoncée à l’avance ou un soulèvement politique prévisible ne devraient dès lors pas pouvoir être invoqués automatiquement comme cas de force majeure. Ainsi, mieux vaut prévenir que guérir, et cela vaut pour tous, aussi bien les consommateurs que les acteurs du voyage!
Kim Vallon