Pas de chance pour les frisottis: depuis quelques années la mode fait la part belle aux franges lustrées et aux interminables mèches lisses. Pour répondre à cette nouvelle tendance, il existe une alternative à l’éphémère brushing: le lissage brésilien.
Apparue en Suisse il y a deux ans, cette technique permet de détendre les chevelures ondulées à frisées grâce à une formule à base de kératine. Sophie Ewald, propriétaire d’un salon de coiffure à Vevey (VD), souhaite proposer ce nouveau service à ses clientes.
Elle part alors à la recherche d’un produit conforme aux normes. L’affaire est moins aisée qu’il n’y paraît. Pour accroître l’efficacité du traitement, les fabricants y ajoutent du formaldéhyde, la forme gazeuse du formol. On le retrouve dans de nombreux cosmétiques. Au-delà d’une certaine quantité, il présente un danger pour la santé (lire encadré). En Suisse, comme en Europe, le formaldéhyde peut être utilisé dans les produits cosmétiques uniquement en tant qu’agent conservateur et jusqu’à une concentration de 0,2%. Mais, dès 0,05%, la mention «contient du formaldéhyde» doit figurer sur l’emballage.
Sophie Ewald arrête son choix sur le traitement à la kératine de la marque new-yorkaise Lasio. Le distributeur suisse lui assure qu’il contient moins de 0,02% de formaldéhyde et, pour appuyer ses propos, présente les résultats de l’examen de composition déclarée réalisé par le Service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV), de Genève. Or, il s’agit de l’analyse de l’étiquette et non pas celle de la substance elle-même.
Après avoir acheté le produit, la coiffeuse de Vevey est saisie d’un doute et décide d’envoyer, à ses frais, un flacon au SCAV pour faire, cette fois, un examen du contenu. Et là, mauvaise surprise: le taux de formaldéhyde atteint 3,1%, soit 15 fois la norme légale et 155 fois plus qu’annoncé par le fabricant. Confronté à ce résultat, le distributeur rem bourse l’achat de la coiffeuse et assure qu’il a cessé de vendre les produits de la marque Lasio.
«L’échantillon analysé a peut-être été conservé dans de mauvaises conditions, dans un entrepôt mal ventilé ou au soleil, par exemple. Cela peut favoriser une concentration du taux de formaldéhyde. On ne peut cependant pas exclure que le fabricant soit tout simplement malhonnête», explique André Cominoli, chimiste cantonal adjoint à Genève. Il n’existe aucune obligation légale de faire contrôler un produit lors de sa commercialisation. Toutefois, les Services de la consommation des cantons romands ont lancé une campagne d’analyse sur une soixantaine d’échantillons prélevés de ce côté-ci de la Sarine. Les résultats seront communiqués dans les prochains mois. En attendant, l’Office fédéral de la santé publique déconseille fortement l’utilisation de ces produits avec une teneur élevée en formaldéhyde*.
Malheureusement, ce cas est loin d’être isolé. Sans formaldéhyde, ou avec une teneur réduite, le lissage est moins efficace. Au prix de la prestation – entre 300 et 600 fr. selon la longueur des cheveux – la tentation est donc grande, pour les coiffeurs et les fabricants, de passer outre les interdictions. L’indication «sans formaldéhyde» n’est pas forcément une garantie sanitaire suffisante, puisque les substances de substitution peuvent être tout aussi néfastes pour la santé.
Lien du mois:Produits de lissage
Laetitia Wider
EFFETS SUR LA SANTÉ
Irritations et symptômes
Le formaldéhyde présent dans l’air ambiant irrite les muqueuses des yeux et des voies respiratoires supérieures. Il s’ensuit des symptômes tels que brûlures des yeux, picotements dans le nez ou la gorge, rhinites et nez bouché. Des maux de tête, une fatigue et une indisposition peuvent également apparaître. Dès que la concentration de formaldéhyde diminue, les irritations et les symptômes disparaissent rapidement, sans endommager les tissus.
Sur la peau, il peut provoquer des brûlures et des allergies. En cas de haute concentration, les réactions s’amplifient et les risques d’infections chroniques des voies respiratoires augmentent. A long terme, le formaldéhyde favorise le développement de cancers. Il est donc indispensable que les coiffeurs qui manipulent ces produits soient équipés de masques et de gants.