La viande bio, ou estampillée d’un label assurant le bien-être des animaux, a plusieurs avantages évidents sur la viande «conventionnelle». Meilleure pour la santé des consommateurs, elle contient souvent plus d’oméga 3 et moins, voire pas d’antibiotiques ni d’hormones (lire «Davantage d’oméga 3 dans le lait et la viande bio»). Son empreinte écologique est, elle aussi, plus favorable: les grands élevages conventionnels impliquent, par exemple, l’importation de grosses quantités de fourrage et, parfois même, l’exportation de fumier et de lisier produits en trop grande quantité!
Malgré tout, c’est un secteur qui peine à décoller. Les parts de marché du bio, dans la viande fraîche, avoisinent 5% seulement, selon l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). Aucun chiffre n’est disponible pour la vente de viande respectueuse du bien-être des animaux.
La faute n’incombe pas aux éleveurs qui sont freinés par le marché. En septembre dernier, par exemple, Vache mère suisse, la faîtière des détenteurs de vaches allaitantes, a imposé des restrictions de livraison aux producteurs du label Natura-Beef. Les raisons? Son principal client, Coop, ne désirait pas acheter de quantités supplémentaires. Selon la porte-parole du grand distributeur, cette décision s’expliquerait par le recul de la consommation de viande en Suisse. A l’entendre, les quantités auraient donc dû être revues à la baisse par la faute des consommateurs qui bouderaient le label bio de la viande.
L’hypocrisie de Coop et de Migros
Cette explication masque un autre problème qui frappe la production: le prix très élevé de la viande bio. En moyenne, le client doit débourser 45% en plus. C’est même davantage pour des produits comme la viande hachée (+52%) ou le jambon (+67%). La majoration atteint des niveaux encore plus stratosphériques avec la poitrine de poulet qui atteignait 160%, selon les chiffres publiés par l’OFAG, en août 2019.
On pourrait croire que ces écarts abyssaux servent à rémunérer les producteurs astreints à un cahier des charges beaucoup plus strict. En réalité, ce n’est pas du tout le cas, puisqu’ils ne perçoivent qu’un supplément marginal. Preuve en sont les prix à la sortie de l’abattoir fournis par l’interprofession suisse de la filière viande, Proviande: en moyenne 8.98 fr. le kilo de bœuf conventionnel contre 9.25 fr. le kilo pour le bio. Cet écart de 3% est donc sans commune mesure avec le surcoût exigé dans les rayons des supermarchés.
Expert des questions liées à l’alimentation et à l’agriculture pour Greenpeace Suisse, Philippe Schenkel dénonce l’hypocrisie de Coop et de Migros. Dans leurs campagnes publicitaires, les deux géants se donnent des allures vertes en montrant des scènes idylliques d’élevages bio ou respectant le bien-être des animaux. Dans les magasins, en revanche, ils vendent principalement de la viande provenant d’élevages de masse. Pour Philippe Schenkel, une chose est claire: «Coop et Migros pourraient, sans problème, valoriser la viande bio et celle garantissant le bien-être des animaux.» Et de rappeler qu’ils contrôlent ensemble environ 70% du marché de la viande fraîche.
Des marges hallucinantes
De son côté, le WWF critique la politique des prix des deux géants. «Il est incompréhensible qu’ils prennent une marge plus grande sur la viande produite dans le respect de l’environnement et des animaux», s’insurge Eva Wyss, responsable agriculture de l’organisation. Un avis partagé par le label KAGfreiland qui appelle les distributeurs à baisser leurs marges excessives.
Ni Migros ni Coop ne veulent s’exprimer sur le sujet. Coop affirme qu’elle ne gagne pas plus sur les produits Naturafarm que sur la viande conventionnelle. Migros dit «proposer le meilleur rapport qualité-prix» aux clients achetant de la viande bio. Evidemment, les deux enseignes ne donnent aucun chiffre.
Eric Breitinger / sp
Pour le bien-être des poules
Promouvoir de meilleures conditions d’élevage des animaux passe par des mesures simples. C’est notamment ce que font certaines coopératives de Migros avec les poules. En effet, ses succursales de Bâle, de Suisse orientale et de Zurich ont banni les œufs qui proviennent d’élevage au sol pour ne proposer que ceux d’élevage en plein air. Cette décision est favorable aux animaux, sans pour autant plomber le budget des consommateurs: le prix des œufs d’élevage en plein air est passé de 60 ct. à 50 ct. l’unité.
Dans le même registre, des initiatives ont été lancées pour sauver les poussins mâles de leur funeste destin. Grâce à des programmes comme «La poule à deux fins», «Coq en pâte» ou «Henne und Hahn», une partie d’entre eux échappent au gazage ou au broyage pour être mieux valorisés (lire «Touche pas à mes poussins»).