La Confédération est une maîtresse exigeante. Année après année, elle attend des CFF qu’ils réalisent des «bénéfices» toujours plus élevés, bénéfices intégralement reversés dans ses caisses. Pour l’année 2012, Berne a ainsi posé la barre à 402 millions de francs, soit 63 millions de plus qu’en 2011. La progression est continue. En 2010, 170 millions avaient encore satisfait son appétit, alors qu’elle ne picorait que 25 petits millions dans l’assiette des CFF en 2003. A lui seul, le trafic voyageurs est censé ramener 276 millions de francs pour l’année 2012, ce qui représente une progression de 29% par rapport à 2011.
Le terme «bénéfice» peut toutefois porter à confusion dans la mesure où les charges d’infrastructures sont assumées en sus par les pouvoirs publics, Confédération, cantons et communes (3,2 millards en 2010). Il n’en reste pas moins que les exigences de productivité, constamment revues à la hausse, se répercutent immanquablement sur le prix des titres de transport. Les voyageurs seraient-ils les vaches à lait de la Confédération? Le Département des transport (Detec) s’en défend avec véhémence. Selon lui, il est indispensable de dégager des revenus pour financer l’augmentation du trafic voyageurs ainsi que les dépenses d’investissement qui lui sont liées.
Le trafic grandes lignes fournit une grosse partie du chiffre d’affaires des CFF et nécessite, effectivement, de gros volumes d’investissement. Mais ce que l’ex-régie ne dit pas, c’est que les dépenses d’investissement sont déjà intégrées dans le calcul.
Les surplus sont donc des bénéfices nets. Par ailleurs, la caisse de pension des employés est désormais assainie, il n’y a donc plus besoin d’y affecter une partie des bénéfices.
Clients captifs
Le surveillant des prix, Stefan Meierhans, qui a accès aux livres de comptes non publics de l’ex-régie arrive, quant à lui, à des conclusions bien différentes de celles du Detec, en voici trois passages:
> «En situation de monopole, les CFF réalisent des bénéfices excessifs dans le secteur du trafic intérieur grandes lignes. Selon nos calculs, 100 millions de francs constituent un bénéfice raisonnable, au sens de la loi fédérale concernant la surveillance des prix.
> Ce bénéfice raisonnable est suffisant pour assurer le financement à long terme du matériel roulant pour le trafic intérieur grandes lignes.
> La Confédération doit réduire ses exigences à hauteur d’un bénéfice raisonnable.»
Autrement dit: si les CFF n’évoluaient pas en situation de monopole, les voyageurs auraient économisé 616 millions au cours des cinq dernières années pour le trafic grandes lignes – sans pour autant négliger le renouvellement du matériel roulant. A condition toutefois que l’Etat continue de financer les dépenses d’infrastructures.
Le problème, relève Monsieur Prix, c’est que les voyageurs sont des clients captifs. S’ils trouvent les tarifs trop élevés, ils ne peuvent pas se tourner vers une autre compagnie. Alors que, pour le transport de marchandises, les entreprises privées peuvent faire jouer la concurrence obligeant ainsi les CFF à baisser leurs prix, quand bien même ce secteur est déficitaire.
Yves Demuth / bas