Les acrylamides sont non seulement soupçonnées d’être cancérigènes, mais ont aussi des effets neurotoxiques et peuvent porter atteinte au patrimoine génétique. Il faut donc veiller à ne pas trop en consommer. D’autant qu’avec une alimentation normale, on en avale quotidiennement déjà 10 microgrammes. Sans compter les produits à base de pommes de terre qui en contiennent à haute dose – röstis, frites et autres patates rôties. Et sans parler des chips, également riches en acrylamides, comme le montre notre test de douze sortes par le Laboratoire de recherche en sciences naturelles de Berlin, spécialisé dans ce type d’analyses: en moyenne, ces produits contenaient 572 microgrammes par kilo (µ/kg).
A titre comparatif, six snacks à base de maïs ont également été passés à la loupe. Et le résultat est sans appel: tous, sans exception, contiennent moins d’acrylamides que leurs cousines à base de pommes de terre. Elles ont donc obtenu au moins la mention «suffisant» quant à cette phase du test (voir tableau en page 15).
La cause de cette nette différence entre maïs et patates? L’asparagine. C’est lors de la décomposition de cet acide aminé que se forme l’acrylamide. Or, le maïs contient nettement moins d’asparagine que la pomme de terre, mais aussi plus de sucres (fructose et glucose), qui participent également au processus de formation de l’acrylamide.
Le dilemme du bio
Ce rôle du sucre explique également les mauvais résultats des chips bio de Coop. En effet, les pommes de terre servant à la fabrication de chips ne sont jamais gardées à moins de 8 degrés. Car plus la température est basse, plus se forment d’acrylamides. Désavantage: à cette température, les patates germent, ce qui augmente... leur taux de sucres. Or, les producteurs traditionnels peuvent user de produits chimiques pour combattre la germination. Les paysans bio, eux, ont seulement droit à de l’huile de cumin, moins efficace, pour ce faire.
Malgré cette explication, Zweifel, qui produit les chips bio pour Coop, a qualifié notre résultat (826 µ/kg) de «pur hasard et non relevant». Ses propres analyses auraient abouti à des teneurs en acrylamides plus basses. Selon le fabricant, cela n’aurait aucun sens de se baser sur un seul résultat négatif.
Quant à savoir si le fait d’ingérer des acrylamides augmente sensiblement le risque de cancer, l’incertitude persiste. «Les estimations vont de 10 à 1000 nouveaux cas de cancer chaque année en Suisse. Dans cette fourchette, tout est envisageable», constate Konrad Grob, du laboratoire cantonal de Zurich.
Christian Gertz, chimiste spécialiste des graisses et directeur du département de recherches chimiques de Hagen (D), estime, lui, que la discussion est trop focalisée sur le cancer, alors que les effets neurotoxiques de l’acrylamide sur l’être humain et le fait qu’il endommage le patrimoine génétique sont, eux, prouvés. C’est pourquoi il faut veiller à en maintenir la teneur le plus bas possible.
Plus de graisse qu’annoncé
Les spécialistes ont également mesuré la quantité de graisse contenue dans chaque snack, en la comparant aux taux indiqués sur les emballages. Les fabricants ne sont en effet pas obligés d’imprimer les valeurs nutritives sur l’emballage. Mais, quand elles y figurent, elles doivent être précises.
Ecarts trop importants
Là encore, les chips bio de la Coop récoltent une mauvaise note. Outre qu’elles contiennent le maximum de graisse parmi les produits analysés, le laboratoire en a trouvé 18% de plus qu’annoncé. Et les chips de maïs Tortilla Chips Mariachi de Denner ont été classés dernier pour contenir non pas plus, mais... moins de graisse qu’indiqué (-16,1%).
Le distributeur estime pour sa part avoir mérité un satisfaisant, puisqu’il s’en tient aux directives en la matière. En effet, les lignes directrices des chimistes cantonaux et des distributeurs tolèrent un écart jusqu’à 20%. Toutefois, pour notre test, la barre a été placée plus haut. Christian Gertz, spécialiste en graisse estime qu’une marge de 15% peut être respectée sans autre. C’est pourquoi les produits contenant 15% de plus ou de moins qu’indiqué ont été jugés insatisfaisants.
Les Nacho Chips de Migros arrivent juste au-dessous de cette limite (écart de 14%). Le porte-parole du géant orange, ayant obtenu confirmation du fabricant que la teneur en graisse est bel et bien de 26%, a promis de rectifier rapidement les indications du paquet.
Zweifel, pour sa part, prouve qu’on peut faire moins gras: ses Cractiv Chips ne contiennent que 8,4% de graisse. Le secret: elles ne sont pas frites à l’huile, mais passées à la vapeur, avant d’être légèrement aspergées d’huile pour y «coller» les condiments.
Autres toxiques
Enfin, le laboratoire a cherché des traces d’ETU et de PTU, issus de la décomposition de fongicides, utilisés dans la culture maraîchère et la viticulture et qu’on trouve hélas souvent dans des produits alimentaires. Si, en Suisse, il n’y a pasencore de réglementation pour ces substances, elles aussi cancérigènes, l’Allemagne a fixé la limite à 50 µ/kg. Aucun des snacks analysés ne contenait des quantités dépassant cette valeur.
Patrick Gut / ew