Un projet de loi a été proposé le jeudi 30 mai à Bruxelles par Neelie Kroes, Commissaire européenne chargée des nouvelles technologies, pour abolir les taxes de roaming. Elle devrait déposer un paquet législatif en ce sens au plus tard en septembre, ce qui permettrait à la loi d’entrer en vigueur dès 2016. Si cela se confirme, les frais d’itinérance deviendraient une spécialité suisse! Déjà plafonnés et à présent projetés d’être abolis en Europe, ces surcoûts lors de communications émises ou reçues de l’étranger ont trouvé en Suisse un petit paradis: aucun accord bilatéral n’a été conclu entre la Confédération et l’Europe sur la question et les suisses attendent encore un rapport du Conseil fédéral – prévu pour fin 2014 – avant d’entrer en matière.
L’annonce de Neelie Kroes aux eurodéputés n’effraie pas les opérateurs suisses. Marie-Claude Debons, porte-parole d’Orange, relève d’abord que «la Suisse ne fait pas partie de l’Union Européenne. Les fournisseurs de télécommunications de l’UE n’ont donc pas l’obligation de proposer aux opérateurs suisses les tarifs européens réglementés et moins élevés», d’où les prix exorbitants que l’on connaît. Dans la même veine, Christian Neuhaus, de Swisscom, avance la nécessité pour les opérateurs suisses de négocier les prix avec chaque opérateur étranger. «Dans la pratique, il y a une forte pression sur ce genre de prestations, ce qui tend vers une baisse des prix», déclare-t-il. Même son de cloche chez Sunrise, qui rappelle la dimension politique de l’affaire. C’est donc la concurrence entre les opérateurs qui fait la loi sur le marché. Une loi qui n’est pas du goût des consommateurs suisses, qui sont les principales victimes des différences de prix abyssales entre la Suisse et l’UE (consultez notre tableau).
Cherchant peut-être à les rassurer, Christian Neuhaus observe que la situation peut radicalement évoluer avant 2016 déjà: «Le roaming disparaîtra peut-être avant même que cette loi ne soit appliquée», dit-il. Une probabilité partagée par son homologue d’Orange. Les nouvelles technologies et les applications bientôt sur le marché, sans compter le wifi qui se démocratise, permettront, disent-ils, aux consommateurs de bénéficier des prix de télécommunication fixés par les prestataires locaux.
Preuve, une fois de plus, que nos opérateurs jouent la montre, et qu’ils misent le fait que les technologies et les habitudes des utilisateurs condamneront, à court ou à moyens termes, cette offre d’itinérance qui leur est si chère.
Pierre Gumy
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