En matière de prévoyance, mieux vaut ne rien laisser au hasard. La Poste a donc provisionné à l’intention de sa caisse de pension 1,463 milliard de francs en 2014 et 1,297 milliard de francs en 2015, soit 2,8 milliards de francs au total. Raison invoquée: la baisse du taux technique, rendue inévitable par l’évolution des marchés financiers.
Décryptage: l’institution de prévoyance a effectivement diminué de 3% à 2,25% son taux technique au 1er janvier 2016. Ce chiffre désigne le rendement garanti au capital d’épargne des assurés à la retraite. S’il baisse, il faut soit diminuer les rentes de retraite, soit augmenter le capital de prévoyance des retraités, à moins de voir baisser le taux de couverture de l'institution. En temps qu’employeur, La Poste est directement concernée par un tel enjeu et elle a opté pour la seconde solution.
Sur le plan comptable, rien à redire. «Ces montants correspondent aux provisions qui doivent être constituées selon les normes internationales en la matière», répond la porte-parole Nathalie Dérobert Fellay. Sur le plan stratégique, en revanche, rien n'oblige le géant jaune à accumuler de tels montants.
Dans son rapport annuel, la caisse de pension, mentionne du reste, dans une annexe aux comptes 2015, que «l’employeur a libéré 490 millions de francs» pour augmenter le capital de prévoyance des retraités. En d’autres termes, La Poste a puisé le montant nécessaire à maintenir les rentes de ses retraités dans une autre cagnotte spécialement prévue à cet effet.
«Ces montants n'ont rien en commun», rétorque La Poste en expliquant que la décision de constituer ces réserves a été prise sur des bases scientifiques après des calculs effectués au vu des comptes annuels de la caisse de pension, dans un contexte boursier chahuté. Dans le rapport 2015, le taux de couverture avait baissé à 99,4%.
Soit. Mais était-il vraiment nécessaire de provisionner un montant de 2,8 milliards en si peu de temps? Dans le contexte de l’initiative en faveur du service public, difficile de ne pas voir dans cette stratégie une manière élégante de diminuer les bénéfices de l’entreprise.
Claire Houriet Rime