L’Europe s’est-elle inclinée devant le lobby des constructeurs automobiles? C’est ce qu’affirment certains eurodéputés, ONG et associations de consommateurs, suite à la décision prise, hier (jeudi 28 octobre), par le comité technique européen pour les véhicules à moteur (TCMV). Ce dernier, composé de représentants des 28 états membres, a voté un nouveau seuil d’émissions polluantes deux fois plus élevé que la limite actuelle pour l’homologation des véhicules diesel! Une décision qui peut paraître très surprenante quand on songe au «dieselgate» Volkswagen qui a éclaté il y a quelques semaines.
Nouveau test en situation réelle
«Le seuil n’a pas doublé, nous avons établi un test qui n’existait pas auparavant», rétorque une source proche des négociations. En effet, selon le vote de hier, l’homologation inclura, à l’avenir, des mesures en condition réelle, en plus de celles qui sont déjà pratiquées en laboratoire. L’idée n’est en fait pas nouvelle, puisque la Commission avait relevé l'écart entre ces deux mesures en 2010 déjà, et lancé une réflexion. La mise en place des tests sur route a été acceptée ce printemps, mais il restait à établir leur caractère contraignant.
Pour les défenseurs du vote de hier, le test sur route constitue une véritable avancée, puisqu’il réduit sensiblement le risque de tricheries. Selon eux, le scandale Volkswagen aurait, en réalité, mis la pression sur les Etats jusqu’alors réticents qui abritent des industries automobiles et permis l’obtention d’une large majorité.
Des concessions
Oui mais voilà, pour cela, il a fallu faire des concessions! Sur le principe, il était admis que les émissions en condition réelle seraient plus élevées qu’en laboratoire, mais la commission européenne proposait initialement que les voitures ne puissent pas émettre – en situation réelle – plus de 1,6 fois le plafond labo de 80 mg/km d’oxyde d’azote entre 2017 et 2019, puis 1,2 fois les années suivantes. Finalement, ce sera 2,1 fois entre 2017 et 2019 et 1,5 fois au delà.
La Commission défend ce résultat en notant que cela représente tout de même une baisse significative, comparée à la différence actuelle qui peut aller jusqu’à quatre fois. Mais plusieurs associations de consommateurs, ONG et eurodéputés ne l’entendent pas de cette oreille et dénoncent une décision qui place, à leurs yeux, l’intérêt des constructeurs avant la santé des citoyens. «Pourquoi devrions-nous continuer à tolérer des diesels polluants sur nos routes alors que des alternatives existent bel et bien? demande ainsi le magazine des consommateurs bleges Tests-Achats. Les moteurs au gaz naturel, électriques ou même à essence respectent bien la norme. Et la technologie existe pour les moteurs diesel, mais certains producteurs ne veulent pas consentir les efforts financiers nécessaires».
Sébastien Sautebin