«Si on veut avoir une bonne protection contre la Covid-19, il faut préférer les masques FFP2 à ceux en tissu!» L’avis d’Ernest Weingartner, professeur à la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse (FHNW), est pour le moins clair. Il faut dire que les résultats du test que nous lui avons demandé pour 16 masques sont très tranchés. Les huit FFP2 ont été jugés bons, tandis que les huit en tissu sont insuffisants ou mauvais, quand bien même les critères étaient bien moins contraignants pour ces derniers (lire encadré). Les FFP2 filtrent ainsi à la perfection, pour une majorité d’entre-eux, des particules minuscules (370 nanomètres) tandis que les versions en tissu peinent à retenir des particules, toujours petites, mais tout de même trois fois plus grosses (1 micromètre).
Faut-il donc se précipiter sur les boîtes de FFP2? Ernest Weingartner nuance, car le caractère ultra-filtrant de ces masques a un prix: «On peut avoir de la peine à respirer. Il n’est donc pas facile de les porter sur une longue durée. De plus, ils doivent être bien ajustés pour protéger correctement.» Selon l’expert, «les modèles en tissu sont plus confortables. La solution serait donc de porter un bon masque en tissu».
Oui mais voilà, il n’y en avait pas un seul dans nos achats… «Les résultats nous ont surpris, confie Ernest Weingartner. Nous testons beaucoup de masques, et 5% à 20% des modèles en tissus sont tout à fait corrects.»
Cela reste tout de même une petite minorité, transformant l’achat en une espèce de loterie, ce d’autant plus que les indications de conformité ne garantissent rien. Trois modèles testés, le Forster Rohner, le Fashion-Mask d’Aldi et le Community Mask de Migros sont, selon leur emballage, conformes aux recommandations de la Swiss National COVID-19 Science Task Force. Ils ont pourtant échoué à notre test, basé sur… la norme SNR 30000 de la Task Force!
FFP2, avis opposés
Tous bien notés dans notre test, les masques respiratoires FFP2 divisent les autorités. Nos voisins autrichiens et bavarois misent sur eux et les ont rendus obligatoires en début d’année. En Suisse, c’est exactement le contraire! L’OFSP recommande, au quotidien, les versions en tissu et les masques médicaux mais pas les FFP2.* L’Office estime que «leur fiabilité n’est pas garantie car ils sont notamment difficiles à manipuler et à porter correctement». Un avis récent de la Swiss Task Force leur trouve de multiples inconvénients: trop chers et donc réutilisés trop de fois, trop compliqués à mettre, inadaptés pour les barbus et les mal rasés etc. En outre, leur port causerait des dermatites et leur étanchéité des taux de CO2 élevés, qui favoriseraient la fatigue…
Laurence Senn de l’Unité d’hygiène, prévention et contrôle de l’infection du CHUV, explique que les FFP2 sont efficaces contre les aérosols et les particules très fines, ce qui est recommandé lors de certaines expositions professionnelles à l’hôpital. «De leur côté, poursuit la spécialiste, les masques chirurgicaux et en tissu protègent le porteur contre les gouttelettes, ce qui constitue un niveau de protection suffisant, dans la population, contre le coronavirus. Ils préviennent aussi et surtout la dispersion dans l’environnement de postillons d’une personne infectée qui s’ignore.» Et c’est sans doute là un aspect à ne pas oublier: les masques en tissu et chirurgicaux protègent d’abord les autres. Bien mis, les FFP2 protègent aussi efficacement leur porteur.
Les réactions des fabricants
Concernant les masques en tissu, Aldi se dit très surpris du résultat obtenu par son Fashion-Mask, jugé «mauvais». Le détaillant a demandé un test express qui a fourni des résultats bien meilleurs. Pour Lidl, les masques en tissu ont une efficacité de filtration relativement faible, mais ils peuvent être réutilisés, préservant ainsi mieux l’environnement. Etonné des résultats, Forster Rohner veut procéder à de nouveaux tests. Calida répond que les masques d’hygiène ne sont adaptés qu’aux faibles niveaux de risque. Manor annonce vouloir prendre en compte les résultats pour sa future gamme. Valora, pour les Kkiosk, affirme «fournir les informations adéquates à la clientèle, à savoir que les masques en tissu ne sont ni des dispositifs médicaux, ni des équipements de protection personnelle».
*En octobre, la RTS avait déjà testé les masques en tissu mais aussi, cette fois-là, les modèles chirurgicaux.
Sébastien Sautebin
Les critères du test
A bon entendeur (RTS), Kassensturz (SRF), Ma Santé et On en parle (RTS- La Première) se sont alliés pour évaluer huit masques FFP2 et huit en tissu. Le laboratoire d’Ernest Weingartner, de la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse (FHNW), a testé les produits achetés selon deux critères: la qualité de filtration et la respirabilité. Pour les FFP2, le test s’est inspiré de la norme européenne EN 149. Les masques devaient filtrer au minimum 94% de particules de 370 nanomètres (nm) et avoir une certaine respirabilité, à savoir un maximum de 240 pascals (Pa) à 0,08 m/s.
Pour les modèles en tissu, le labo s’est appuyé sur la norme SNR 30000 de la Swiss National COVID-19 Science Task Force. Les masques devaient retenir au minimum 70% de particules d’un micromètre (μm) et avoir une respirabilité respectant un maximum de
294 Pa à 0,27 m/s.
Les masques conformes aux deux critères ont été jugés «bon». Quand un des critères n’est pas rempli, le produit est «insuffisant» et «mauvais» si ses deux résultats ne sont pas satisfaisants.