Il existe pourtant une façon de faire qui pourrait faciliter les choses sans trop de complications: résumer la combinaison de ces valeurs avec une couleur, allant du vert (très bonne qualité nutritionnelle) au rouge (faible qualité). Lors de la récente consultation sur la révision du droit alimentaire suisse, plusieurs associations, dont la Fédération romande des consommateurs, ont d’ailleurs demandé l’introduction d’un tel système, appelé «score nutritionnel».
En France, le ministre de la Santé a même reçu, l’automne dernier, une pétition rassemblant 235 000 signatures réclamant l’affichage, sur les emballages des aliments transformés, du Nutri-Score, développé par l’équipe du professeur Serge Hercberg (lire encadré). Et une expérimentation s’est déroulée dans 60 supermarchés à la fin de l’année dernière, mais les résultats n’ont pas encore été publiés. Objectif: orienter les consommateurs vers les meilleurs aliments pour la santé et pousser les industriels à revoir la composition des produits les moins équilibrés.
Un objectif assez simple à remplir, mais qui n’est – évidemment – pas du goût des industriels, lesquels n’apprécient guère les contrôles, quels qu’ils soient. Et, à la vitesse où les réformes vont (lire encadré), autant anticiper et les mettre devant le fait accompli! C’est exactement ce que nous allons faire en Suisse, à l’instar d’autres mouvements européens, comme Open Food Facts (openfoodfacts.org).
Puisque les smartphones sont devenus des outils redoutables pour mener une révolution,
eh bien, utilisons-les pour obtenir ce que les industriels ne veulent pas nous concéder! Grâce à notre nouvelle application «NutriScan» vous pouvez, en une fraction de seconde, scanner le code-barres des emballages et obtenir aussi rapidement non seulement le Nutri-Score de l’aliment, mais aussi un affichage clair de toutes les valeurs souvent imprimées en petites lettres.
Pour constituer notre base de données qui contient, à ce jour, 8500 produits vendus en Suisse, nous nous sommes basés sur celle récemment mise à disposition en open source par l’EPFL (openfood.ch). Il a fallu passablement de travail pour la compléter et, parfois, la corriger (lire encadré). Et cela en valait la peine, puisque vous obtenez non seulement les informations de chaque produit scanné, tout comme vous pouvez les comparer par catégorie et par magasin. Exemple: les sucettes de glace à la mangue «Fruit Ice» affichent un score vert clair, car elles n’ont carrément pas de graisse et une teneur en sucre raisonnable, alors que les Mini Magnum aux amandes, vendus dans le même magasin, sont dans le rouge (avec le double de sucre et 12 g d’acides gras saturés aux 100 g).
En utilisant cette application, mais en nous aidant aussi à la compléter et à l’améliorer (lire encadré), vous participerez à un combat important pour une information digne de ce nom et forcerez la main aux industriels qui finiront, inévitablement, par les donner d’eux mêmes!
Situation actuelle
Ce que dit et prévoit la loi
La loi actuelle sur les denrées alimentaires n’oblige pas l’industrie à afficher les valeurs nutritionnelles d’un produit préemballé, sauf si sa publicité vante l’une d’entre elles (exemple: «peu de matières grasses»). Malgré tout, la très grande majorité des articles vendus en Suisse impriment ce genre d’informations sur l’emballage, mais souvent de façon incomplète et peu compréhensible pour le commun des mortels.
Idéalement, elles sont rassemblées dans un tableau qui ressemble à ceci:
Comme l’Europe a rendu ce genre d’affichage obligatoire depuis le 12 décembre 2016, la Suisse suit le mouvement et va faire de même dès le 1er mai 2017. Mais avec des exceptions tellement nombreuses qu’on se demande si cela va changer grand-chose à la situation actuelle…
⇨ D’abord, il est possible de se contenter d’un affichage «restreint» (calories, lipides, glucides, protéines et sel), donc sans quantifier les acides gras saturés (AGS) et le sucre. Des données pourtant essentielles, puisqu’il faut apprendre à limiter les AGS, le sucre et le sel. Et, comme en Europe, l’affichage des fibres ne sera pas non plus obligatoire, ce qui est regrettable!
⇨ Ensuite, l’affichage reste facultatif pour les aliments vendus en vrac (ce qui est assez logique), mais aussi pour les produits artisanaux ou «remis au niveau local», ce qui est plus contestable lorsqu’ils sont quand même fabriqués industriellement. Sans parler d’autres exceptions, plus rares il est vrai*.
⇨ Enfin, il est prévu un délai transitoire de quatre ans. Les consommateurs vont donc devoir attendre jusqu’en mai 2021 pour les produits fabriqués par les industriels les plus récalcitrants!
Décryptage
Comment ça marche
Le Nutri-Score a été développé par l’équipe de l’épidémiologiste français Serge Hercberg, spécialiste de la nutrition.
Si l’Europe impose, un jour, un score nutritionnel, il y a de fortes chances pour que ce soit celui-là. Il est, certes, moins complet que d’autres, mais il est réaliste, car il intègre les données majeures qu’on trouve souvent sur les emballages, soit celles affichées dans le tableau de l’encadré .
Grâce à un algorithme assez long à développer, mais relativement simple*, il permet de noter la qualité nutritionnelle d’un aliment transformé avec cinq couleurs, allant du vert foncé (très bonne qualité) au rouge (qualité médiocre).
Pour le consommateur, l’avantage est évident: plus besoin de s’abîmer les yeux en tentant de déchiffrer les données imprimées sur l’emballage, ni de calculer ce qu’elles impliquent. Le résultat tient en une pastille de couleur et peut être aisément comparé à celui d’autres produits identiques. Pas de jugement toutefois: ce n’est pas parce que telle pizza affiche du rouge qu’il faut y renoncer, mais autant le savoir et prêter attention aux autres produits qui l’accompagneront.
Les industriels, eux, voient… rouge et ne veulent pas entendre parler d’un étiquetage qui dénaturerait leur produit. S’il était imposé, ils n’auraient pourtant plus le choix et seraient bien obligés de modifier les recettes de fabrication pour obtenir un meilleur résultat. C’est exactement l’impact espéré!
Démarche participative
Aidez-nous!
Créer la banque de données nécessaires au développement de l’application
«NutriScan» est une tâche titanesque. Elle a certes été facilitée par la base créée, en octobre 2016, par l’EPFL, openfood.ch, disponible en open source et que nous avons donc téléchargée. Mais il a fallu ensuite la compléter, produit par produit, et corriger de nombreuses erreurs de report.
Elle contient aujourd’hui 8500 produits, et en aura plus de 14 000 d’ici à un mois. C’est beaucoup, mais encore loin de représenter tout ce qui est en vente dans les grands magasins suisses. De fait, ce sont surtout les produits de Coop et de Migros qui sont d’ores et déjà intégrés, ceux de Manor, Aldi, Lidl, Globus, etc., étant encore en reste.
Plus il y en aura, mieux ce sera. Voilà pourquoi l’application a été prévue pour que vous nous aidiez un maximum. D’abord, en complétant tous les produits enregistrés mais qui n’ont pas toutes les informations nécessaires: telle ou telle valeur, le nom du magasin de vente, une photo, etc. Ensuite, en nous signalant toutes les erreurs de report que vous constateriez et qui nous ont échappées. Enfin, en instruisant, via deux photos et le nom du magasin, les produits qui ne sont pas encore enregistrés.
Comme vous le verrez, tout a été prévu pour vous simplifier la tâche! Devenez des consomma(c)teurs et faites de «NutriScan» VOTRE application. Lire l'éditorial