Cet automne, les Suisses ont été encore harcelés par des appels publicitaires liés à leur couverture de soins. La situation devrait toutefois s’améliorer, l’an prochain. Quarante des 51 assureurs maladie* ont, en effet, signé un accord de branche qui interdit la prospection téléphonique à froid, fixe des critères de qualité pour le démarchage et plafonne les rémunérations des courtiers! Il entrera en vigueur le 1er janvier. Les règles, élaborées par les deux faîtières Santésuisse et Curafutura, sont contraignantes pour les signataires, avec des sanctions à la clé. Un Tribunal arbitral, spécialement créé, sera habilité à prononcer des amendes allant jusqu’à 500 000 fr. Les assurés pourront aussi déposer une demande d’arbitrage. Elle ne permettra pas de casser le contrat, mais sanctionnera, le cas échéant, les coupables.
On vous appellera encore
L’élément central de l’accord est, selon ses auteurs, l’interdiction du démarchage à froid pour l’assurance de base et les complémentaires. Les caisses appliqueront cette mesure autant à leurs propres collaborateurs qu’aux partenaires externes. Et les call centers sont aussi concernés, dans le sens où les intermédiaires doivent s’engager à se procurer uniquement des contacts et des rendez-vous qui n’ont pas été générés à froid.
Cette interdiction est positive pour les consommateurs, mais elle ne marquera pas, pour autant, la fin du démarchage téléphonique. D’une part, une dizaine de petites caisses, ainsi que le poids lourd Sanitas, n’ont pas signé l’accord. Mais, surtout, la définition de la prospection à froid figurant dans le document laisse des portes ouvertes au marketing. Pour mémoire, cette stratégie marketing consiste à démarcher des individus qui ne sont pas clients et n’ont rien sollicité, d’où le qualificatif «à froid». L’accord autorise donc logiquement le démarchage des personnes «avec lesquelles il existe une relation de clientèle», mais il permet aussi de contacter celles qui ne sont plus clientes depuis moins de trente-six mois, y compris lorsque leur numéro dans l’annuaire comporte un astérisque! De surcroît, il sera possible d’appeler les individus «dont le contact résulte d’une recommandation d’un tiers connu du client potentiel»! Enfin, les participants à certains concours pourront, eux aussi, être approchés s’ils n’ont pas expressément coché une case interdisant à l’assureur de le faire.
Comptes rendus des entretiens
Le télémarketing ne s’arrêtera donc pas, l’an prochain, mais l’accord veut améliorer la qualité des conseils téléphoniques. Entre autres: les contrats passés par téléphone doivent être suivi de l’envoi d’une confirmation écrite avec un droit de rétractation de quatorze jours. Les appels seront passés uniquement par des collaborateurs formés au marketing téléphonique. Les numéros masqués et les techniques de vente agressives sont interdits. Le nom de l’entreprise et le but de l’appel doivent être précisés au début de la conversation. En outre, les intermédiaires devront fournir aux assureurs des comptes rendus de leurs entretiens–conseils, lorsqu’ils débouchent sur une proposition d’assurance. «Il est important qu’aucun appel ne soit effectué par des agents douteux venus de nulle part», résume Christophe Kaempf, porte-parole de Santésuisse.
Les assureurs gardent la main
En annonçant leur volonté de créer un accord de branche avec des règles contraignantes et des sanctions, les assureurs se sont sans doute préservés d’une réglementation étatique plus rigoureuse. Prenant en compte le projet, une Commission fédérale a proposé ainsi que les assureurs s’autorégulent avec leur accord et que l’Etat se contente de rendre obligatoires certains éléments du document pour toutes les caisses. Un projet de loi veut donner cette compétence au Conseil fédéral.
Sébastien Sautebin
Eclairage
Indemnisations des courtiers
Les commissions touchées par les courtiers ont suscité plusieurs interventions parlementaires ces dernières années. Certains élus ont souligné que ces rémunérations, estimées à près de 300 millions, sont, au final, payées par les assurés et que les montants versés sont excessifs.
L’accord de branche fixe désormais un plafond à 70 fr. par contrat, pour l’assurance de base, et à douze primes mensuelles pour les complémentaires. Toutefois, ces limites ne concernent que les intermédiaires externes («non liés»), excluant les propres employés des assureurs. C’est un problème pour le Conseil fédéral, qui a proposé, dans son projet de loi, d’inclure ces derniers, car «la définition des assureurs permettrait de reporter une grande partie des charges d’acquisition de nouveaux assurés sur leur service interne, ce qui contreviendrait à la volonté du législateur de limiter les frais de prospection de nouveaux assurés (…)».
Certains parlementaires ont regretté aussi que l’indemnisation maximale pour un contrat de complémentaires ne comporte pas de montant précis, mais peut aller jusqu’à l’équivalent de douze primes mensuelles. Selon eux, cette situation pourrait tenter certains courtiers de faire signer les polices les plus chères. Santésuisse répond que les règles de qualité établies dans l’accord doivent empêcher une telle dérive.