C’est l’une des spécialités emblématiques du vignoble valaisan. Un cépage au caractère sauvage, parfois rustique, qui transpire ses origines alpines. De cette typicité, l’humagne rouge en a tiré sa quintessence pour se profiler comme la fiancée idéale des repas de chasse. Mais la cantonner au gibier serait réducteur, tant elle peut se marier avec bonheur avec d’autres plats racés comme l’agneau.
Grand écart dans les prix
Avec une surface qui a plus que triplé au cours des vingt-cinq dernières années, l’humagne rouge occupe désormais le 4e rang des cépages rouges les plus cultivés en Valais. Cet essor se traduit par une présence qui n’a rien de confidentielle dans les grandes enseignes. La fourchette de prix est large, puisqu’on trouve des bouteilles à moins de 10 fr. chez les discounters et d’autres qui s’envolent Ã
60 fr. chez Globus!
Dans le cadre de notre dégustation, nous avons limité notre sélection à des bouteilles qui ne dépassaient pas 24 fr. Et, une fois n’est pas coutume, c’est le vin le plus cher qui a mis tout notre jury d’accord. Produit par Defayes et Crettenand à Leytron, le vainqueur a été apprécié pour sa belle expression du terroir. «C’est un ensemble bien fait, à la fois puissant et généreux, avec une bonne mâche», commente René Roger. Encore un peu fermée, c’est une humagne qui gagnerait néanmoins à être oubliée en cave quatre ou cinq ans.
L’élégance des dauphins
La bouteille qui monte sur la deuxième marche du podium est d’un tout autre acabit. Encapsulé, orné d’une étiquette simpliste et vendu 10 fr. chez Lidl, son contenant n’a pas grand-chose en commun avec la gagnante. Tout comme son contenu, du reste, qui a séduit le jury pour des raisons très différentes: «C’est un vin simple et efficace qui joue la carte de l’élégance», relève Thibaut Panas.
Classé troisième, le Belle chasse est un peu de la même trempe. C’est un produit qui fait partie de l’entrée de gamme de la Cave St-Pierre, à Chamoson. Il mise, lui aussi, davantage sur la finesse que sur l’opulence, avec un manque de volume assez semblable. «C’est un vin agréable qui a de l’intensité. La structure est bonne avec beaucoup de vivacité en bouche», note Julie Roesle-Fuchs.
L’humagne rouge de Frédéric Zufferey, qui termine derrière le trio de tête, a suscité des réactions bigarrées. Si certains dégustateurs ont apprécié sa rondeur et son amplitude, d’autres ont regretté son manque de structure tannique et sa lourdeur. Il y a tout juste une année, la syrah du même vigneron-encaveur (lire «La syrah dans tous ses états») avait, elle, tiraillé le jury à l’identique.
Le seul vin qui a véritablement déçu, c’est le Carmelin de chez Denner. «Le nez est étrange avec des notes d’évolution et de l’acidité volatile. Et, en bouche, les tanins sont séchards», relève Claire Mallet. Et ce n’est pas l’ouverture d’une seconde bouteille qui a changé la donne: le jury a retrouvé les mêmes défauts.
Yves-Noël Grin
L’humagne et ses drôles d’histoires
Il n’est pas rare que l’on fasse des vins blancs avec des raisins rouges. On parle, alors, de blanc de noir. C’est le cas du pinot noir, par exemple, qui entre dans la composition des champagnes. Plus près de chez nous, les Tessinois en ont fait une spécialité: le merlot vinifié en blanc. On l’obtient en pressant le jus de raisin sans laisser macérer les peaux qui donnent la couleur rouge au merlot classique.Â
Rien de tout cela avec l’humagne. On suppose que l’humagne rouge a été baptisée ainsi, au début du siècle dernier, pour profiter du succès de l’humagne blanche! D’après les recherches approfondies et les tests ADN menés par le généticien José Vouillamoz, l’humagne rouge a une origine valdôtaine. Chez nos voisins transalpins, on retrouve un cépage identique que l’on nomme «cornalin du val d’Aoste».
Dans ses travaux, José Vouillamoz a pu montrer que le plant d’humagne rouge est issu d’un croisement naturel entre le cornalin du Valais et un cépage inconnu. Bref, il n’a strictement rien en commun avec l’humagne blanche, si ce n’est son nom. Mais sa parenté avec le cornalin est bien réelle.