Les vins bio prennent décidément un malin plaisir à chambrer les crus traditionnels. Ils placent une fois encore l’un des leur en tête de notre dégustation, après le succès du Château Fonroque parmi les Saint-Emilion Grand Cru (lire «Le seul vin bio cartonne», 12/16). Et pour tordre un peu plus le cou aux préjugés bouchonnés, c’est un genevois qui a mis tout le monde d’accord.
Un trio très disparate
Autant l’écrire illico, cette dégustation à l’aveugle d’assemblages blancs suisses n’a pas suscité d’émotions démentielles. Il n’y avait pas de cru déplaisant, mais pas de nectar fascinant non plus. Le classement l’illustre d’ailleurs très bien: entre le meilleur et le moins bon, l’amplitude des notes est faible. Bacchus aurait sans doute été déçu si, comme Dieu, il n’aime pas les tièdes.
Le Comte de Genève bio vire en tête avec un simple assemblage de deux cépages classiques. Sec, c’est un produit d’apéritif par excellence où se marient la fraîcheur du chasselas et la complexité aromatique du chardonnay: «C’est un vin très élégant et bien équilibré. Il n’est certes pas très explosif, mais la structure et la longueur sont bonnes», souligne René Roger. Et, pour ne rien gâcher, son prix est l’un des plus raisonnable du lot (10.50 fr.).
La Blanche Cuvée de Jean-René Germanier, classée 2e, fait basculer les papilles dans un autre univers gustatif. Plus dense, il exprime ses origines valaisannes avec éloquence. «La bouche est grasse et volumineuse, mais sans lourdeur excessive», apprécie Claire Mallet. Mais, à l’instar des autres membres du jury, elle note un boisé trop marqué qui masque – au nez surtout – les arômes de fruits. Critique que les experts ont adressée à deux autres valaisans, le Hurlevent et le Favi.
Le plus exotique du panel, c’est incontestablement le Staatsschreiber qui se glisse au 3e rang. Il nous emmène sur les rives zurichoises du Rhin à quelques encablures de l’Allemagne. Très aromatique, il se compose de cépages typiquement rhénans, comme le riesling sylvaner et le gewürztraminer, mais également de muscat et de pinot noir vinifié en blanc. «On retrouve une fraîcheur plaisante en bouche. Mais, au nez, les notes florales du muscat font penser que c’est un vin plus moelleux qu’il ne l’est vraiment», remarque Arnaud Scalbert.
Assemblages opaques
Cette dichotomie soulève d’ailleurs un problème auxquels les consommateurs peuvent se heurter à l’achat de tels assemblages: est-ce un vin sec, demi-sec ou doux? Réponse qui est encore trop rarement donnée sur les étiquettes (lire encadré). La transparence est également lacunaire sur la nature des assemblages: trois bouteilles seulement – la Blanche Cuvée, le Staatsschreiber et l’As de Cœur – indiquent les cépages mélangés. Pour le reste, les intéressés doivent fouiner sur le site internet des producteurs ou des distributeurs pour trouver l’information. Ce n’est pas fameux!
Yves-Noël Grin
Etiquetage
Sec, demi-sec ou doux?
Amateur de pinot gris ou de malvoisie comme on aime l’appeler en Valais? Bonne chance pour trouver le nectar qui correspond à vos goûts! Qu’il soit d’origine alsacienne ou suisse, rares sont les producteurs qui indiquent sur l’étiquette si sa teneur en sucre résiduel est basse (vin sec) ou élevée (vin doux). Cette lacune concerne de nombreux autres crus, à l’image des assemblages que l’on a dégustés. Dommage.
Pourtant, cela fait belle lurette que certaines régions viticoles ont compris la pertinence d’un étiquetage clair en la matière. On pense, en premier lieu, aux producteurs de champagne qui, selon le dosage de leurs mousseux, utilisent jusqu’à sept mentions (extra-brut, brut, demi-sec, etc.) pour orienter le consommateur.
D’autres régions viticoles ont su s’inspirer de cette classification. L’étiquette des vins allemands, par exemple, permet de distinguer les vins secs (trocken), demi-secs (halbtrocken), moelleux (lieblich) et liquoreux (süss). En Suisse, les vignerons-encaveurs de Vétroz ont montré l’exemple avec l’amigne: la sucrosité est représentée par le nombre d’abeilles sur l’étiquette: il peut y en avoir une (vin sec), deux (légèrement doux) ou trois (doux). Gageons que cette formule aussi simple que futée aiguillonne d’autres producteurs suisses.