En septembre, les Chambres ont adopté la «loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS» (RFFA). Selon les estimations, son application permettra aux entreprises d’économiser deux milliards de francs d’impôts pour la seule année 2020, soit un manque à gagner de 600 millions pour la Confédération et de 1,4 milliard pour les cantons. Comme il était difficile de vendre un tel cadeau à la population, qui avait refusé la réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) en 2017, les Chambres ont, sur proposition de la Commission de l’économie et des redevances, décidé de lier le projet à une mesure en faveur de l’AVS (lire encadré). Du coup, pour chaque franc offert aux entreprises, 1 franc sera versé à l’AVS, qui recevra donc un apport supplémentaire de 2 milliards de francs en 2020.
Nous en payerons le prix
Présentée ainsi, on se dit que cette loi a du bon. D’autant que ses partisans font valoir, entre autres, que de tels allégements dissuaderont de nombreuses multinationales de quitter le pays. Mais la population va en payer le prix, puisque c’est elle qui passera à la caisse pour l’AVS! Du coup, outre le manque à gagner de 2 milliards pour les cantons et la Confédération, ce sont bel et bien les citoyens qui devront verser, rien qu’en 2020, 2 milliards de plus. Il n’existe pas d’autres estimations, mais la réforme fiscale pourrait nous coûter chaque année des milliards de francs.
En ce qui concerne 2020, les évaluations sont les suivantes: le Trésor fédéral devra allonger 800 millions de plus en faveur de l’AVS. Le 1,2 milliard restant sera à la charge des citoyens, à savoir:
⇨ Les travailleurs. Ils devront verser 0,15% de leur salaire à l’assurance vieillesse, soit 600 millions. Avec un revenu de 80 000 fr., cela représente environ 120 fr. de plus. En outre, les employés devront probablement payer une partie des 600 millions supplémentaires résultant de l’augmentation des cotisations patronales. En effet, la plupart des employeurs ont un budget fixe pour la masse salariale et la sécurité sociale. Si les cotisations augmentent, il y a moins d’argent disponible pour les salaires.
⇨ Les personnes sans activité. En fonction de leur situation, ils devront verser entre 13 et 650 fr. de plus à l’AVS.
⇨ Les contribuables. Lesquels, au final, financeront les 800 millions de francs additionnels que la Confédération versera à l’AVS. Et ils trinqueront encore si les autorités cantonales ou fédérales décident de mesures d’austérité à la suite de la baisse des rentrées fiscales.
Deux thèmes différents
Les PME suisses sont censées figurer parmi les bénéficiaires de la baisse d’impôt. Mais, même au Parlement, tout le monde n’y croit pas. Le conseiller d’Etat indépendant schaffhousois Thomas Minder a soutenu que, pour les PME, «la réduction promise de l’impôt sur les bénéfices sera réduite à néant par des cotisations AVS plus élevés et une imposition des dividendes plus forte prévue également dans le projet». En outre, le politicien a été profondément troublé par la combinaison dans une même loi de deux thèmes complètement différents, à savoir la réforme de l’impôt des sociétés et l’AVS. D’autres parlementaires partagent ce point de vue. Le conseiller national zurichois Thomas Matter (UDC) a, par exemple, estimé que l’utilisation de l’AVS était une tentative de soudoyer les électeurs, et a ajouté: «Et maintenant? Un bon Migros pour chaque vote en faveur des nouveaux avions de chasse?»
Que la population décide
L’enjeu étant de taille pour notre portemonnaie, Bon à Savoir estime important que nous puissions nous prononcer par référendum sur le sujet, raison pour laquelle nous proposons, ci-contre, un document de récolte de signatures. Si la démarche aboutit, et il reste peu de temps, le vote aura sans doute lieu le 19 mai 2019.
Télécharger la feuille de signature
Gery Schwager / seb
Dans le détail: Réchauffer un plat refusé
En 2014, le Conseil fédéral s’est engagé, dans une convention signée avec l’UE, à abolir certains privilèges fiscaux en Suisse. Mais, en 2017, les électeurs ont clairement rejeté la réforme de l’imposition des entreprises qui proposait de généreux allégements fiscaux (RIE III). Du coup, les sept Sages se sont empressés d’élaborer une nouvelle réforme, le Projet PF 17, qui présente de nombreux points communs avec la RIE III. Pour éviter, selon ses partisans, l’exode de multinationales, le PF17 remplace les privilèges accordés jusqu’à présent, qui irritent au niveau international, par de généreux allégements fiscaux. Estimant que ces derniers risquaient de nouveau de crisper le peuple, le Parlement a décidé de brouiller les pistes en liant la nouvelle loi à la réforme de l’AVS. Mais, au final, c’est le citoyen qui sera prié de passer à la caisse et le prix paraît bien élevé!