En mangeant moins de viande, on peut réduire drastiquement son empreinte carbone. Cette décision pourra faire partie des bonnes résolutions accueillant la nouvelle année. L’enjeu est aussi de s’adapter au changement climatique: dans son rapport de 2019, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prévoit une baisse de la production agricole. Consommer moins de viande deviendra inéluctable.
Le système alimentaire est responsable d’un tiers des émissions humaines de gaz à effet de serre, soit 15 milliards de tonnes d’équivalents CO2. La moitié provient de la production de viande. Son fourrage cause d’importantes émissions, de par l’utilisation d’engrais, la déforestation ou encore le transport. Porcs et volailles, les deux viandes les plus consommées en Suisse, sont principalement nourris avec du fourrage concentré, dont plus de la moitié est importée. Le soja provient en grande partie du Brésil. D’autre part, les ruminants produisent du méthane, un gaz à effet de serre très puissant.
Réduire sa consommation suffit-il?
Cela dépend des approches. Les Suisses consomment environ 50 kg de viande par année (sans le poisson), dont 41 kg de chair indigène. Du point de vue climatique, le mieux serait de se passer complètement de viande, selon le GIEC.
Mais, l’élevage d’animaux ayant quelques bénéfices non négligeables pour la nature, la viande gardera une place dans nos assiettes. Les animaux qui broutent sont importants pour l’entretien du paysage. La question est de savoir quel cheptel nos pâturages helvétiques peuvent nourrir, sans utilisation de fourrage importé.
Combien de viande nos pâturages peuvent-il produire?
En ne comptant que sur notre fourrage, il faudrait baisser notre consommation de viande de 60%, a calculé Adrian Müller, chercheur à l’Institut de recherche pour l’agriculture biologique FiBl. Pour un total de 16,5 kg par année, soit deux à trois portions de 120 grammes par semaine, dont très peu de porc et de volaille.
Manger du poisson deviendrait exceptionnel. La pêche suisse couvre une seule portion de poisson par année, selon Sébastien Humbert, cofondateur de Quantis, entreprise spécialiste de la durabilité. Peut-être le double si les élevages trouvaient des alternatives locales de nourriture.
Ce scénario ne tient pas compte des émissions de gaz à effet de serre. La viande proviendrait en majorité de ruminants, qui émettent beaucoup de méthane.
Quelle consommation est-elle compatible avec les Accords de Paris?
Une consommation de viande de 15,6 kg par année est préconisée par la Commission EAT-Lancet. Dont deux tiers de volaille et un tiers de bœuf, de porc et d’agneau. On pourrait manger entre deux et trois portions de 120 grammes de viande par semaine ainsi que deux portions de poisson par semaine. Ce régime permettrait tout juste d’atteindre la limite des émissions compatibles avec les Accords de Paris. Le hic: cette approche et ne tient pas compte des spécificités locales.
Que fait-il sens de manger en Suisse?
La Société suisse de nutrition recommande aussi de limiter la consommation carnée à deux à trois portions de 100 à 120 g par semaine, en variant les sortes. Le poisson devrait être considéré comme un met particulier, à déguster de temps à autres. «En nous alimentant en fonction de la pyramide alimentaire, nous pourrions réduire notre empreinte écologique de moitié», déclare Michael Beer, vice-directeur de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire. Autrement dit, ce qui est bon pour nous est bon pour le climat.
Sandra Porchet