Gauchistes, écologistes, féministes ou journalistes, plus de 900 000 personnes ont été fichées en dehors de toute base légale. Le fameux scandale des fiches éclate en 1989. Vingt-deux ans plus tard, l’un de nos lecteurs découvre que le fichage n’est pas l’apanage des services secrets. D’autres entités disposent de bases de données, pour leur part légales, mais pas moins intrusives.
C’est le cas des sociétés de enseignements économiques et d’autres agences d’évaluation de crédit qui s’intéressent à la solvabilité des personnes. En consultant les registres des poursuites tenus par les offices cantonaux, elles obtiennent des informations sur les mauvais payeurs qu’elles revendent ensuite à diverses entreprises. Les traces d’un commandement de payer ou d’une poursuite peuvent alors semer d’embûches le chemin d’un consommateur fiché.
Méprise sur la personne
Cyril S* ignorait tout du phénomène jusqu’au jour où il s’est retrouvé au centre d’une confusion rocambolesque. En octobre, il se rend chez un opticien pour commander une nouvelle paire de lunettes à 1300 fr. Il se laisse séduire par une offre qui lui permet d’obtenir un crédit à la consommation sans intérêts. Mais, deux heures après avoir rempli le formulaire indispensable, il apprend que la banque refuse d’accéder à sa demande.
«J’ai été très surpris car j’ai un bon salaire et pas de dettes. J’ai alors appelé la banque pour connaître les raisons de ce refus.
Je n’ai rien obtenu, sous prétexte de la protection des données.» A force d’insister, notre lecteur apprend que les informations contenues dans son fichier proviennent d’une société de renseignements commerciaux nommée Deltavista.
Jusqu’au-boutiste, il contacte cette dernière pour obtenir les détails de son dossier. Après s’être conformé à la procédure (lire encadré), il reçoit des données pour le moins ahurissantes: «La feuille de Deltavista indiquait que j’avais plusieurs poursuites en cours. Et, lorsque j’ai constaté que mon nom était lié à une raison sociale, j’ai compris que les renseignements de cette fiche n’étaient pas les miens, mais ceux d’un autre Cyril S.»
Deltavista admet s’être trompée quant aux nom, prénom, commune d’origine et lieu de domicile, sans savoir qu’il existait un homonyme aux coordonnées identiques. Quoi qu’il en soit, ce fourvoiement enfreint la loi fédérale sur la protection des données qui stipule qu’une société de renseignements doit s’assurer de l’exactitude des données personnelles qu’elle traite. Dès lors, les lésés peuvent porter l’affaire devant la justice civile pour atteinte à la personne et, le cas échéant, obtenir des dommages-intérêts.
Comme le préconise Jean-Philippe Walter, préposé fédéral suppléant à la protection des données, les consommateurs ont tout intérêt à exercer leur droit d’accès aux données pour s’assurer que ces dernières ne sont pas erronées (lire encadré). D’autant que les informations circulent parfois d’une société de renseignements à une autre, avec tous les risques de multiplication d’erreurs que cela peut entraîner.
Yves-Noël Grin
Bonus web:lettre type à télécharger
* Nom d’emprunt.
VOS DROITS
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Les sociétés de renseignements – qui officient parfois aussi comme bureaux de recouvrement – peuvent rassembler des informations qui servent à identifier les personnes (nom, prénom, date de naissance, adresse) et à connaître leur solvabilité (poursuites, faillites, crédits non remboursés, etc.). Pour l’essentiel, ces données contiennent le genre de dettes, la date à laquelle elles ont été contractées et leur montant.
En contrepartie, chacun a le droit d’accéder à ses propres données. La demande doit être faite par écrit* et la société a ensuite 30 jours pour transmettre les informations au requérant.
Si les données s’avèrent erronées, comme dans le cas de notre lecteur, leur rectification ou leur suppression peuvent être exigées, à condition d’être en mesure de prouver leur inexactitude. En cas de mauvaise volonté ou d’absence de réponse des sociétés, il convient de saisir la justice civile, mais la démarche peut être laborieuse.