La sécurité a un prix. Bloquer son hypothèque à un taux fixe sur une période de cinq, huit, dix ans ou plus, offre certes l’avantage d’une charge financière stable et prévisible sur le long terme. Mais l’opération peut menotter le propriétaire souhaitant vendre son bien ou, simplement, tenter de négocier de nouvelles conditions plus avantageuses. Car il ne faut pas oublier qu’une indemnité de résiliation est due à l’institut de crédit en cas de rupture du prêt avant l’échéance convenue. La somme, qui se chiffre parfois en dizaines de milliers de francs, n’est pas toujours simple à calculer. Elle correspond, en principe, au total des intérêts dus par le client jusqu’au terme initialement prévu, moins le revenu que la banque peut réaliser en réinvestissant le prêt sur le marché des capitaux.
Le hic, c’est que, depuis janvier 2015, le taux auquel les établissements bancaires se réfèrent pour ces placements est négatif. Ils font donc valoir qu’ils ne peuvent réaliser aucun revenu sur les fonds remis dans le circuit, mais qu’ils subissent, au contraire, une perte supplémentaire. Certains tentent alors de cumuler l’intérêt négatif à la pénalité due, alourdissant ainsi considérablement la note. Et l’emprunteur se retrouve, au final, avec une facture qui dépasse ce qu’il aurait dû payer s’il avait laissé courir son hypothèque jusqu’au bout. Ce procédé discutable a heureusement été retoqué par la justice dans des cas spécifiques où les contrats ne prévoyaient pas expressément cette possibilité.
Victoires outre-Sarine
Après un long bras de fer contre la Banque Migros et la Banque Cantonale de Schaffhouse, deux propriétaires alémaniques, soutenus par la société éditrice de Bon à
Savoir, KonsumentenInfo, ont obtenu gain de cause devant les tribunaux en 2019 et 2020. Ils avaient résilié de manière anticipée leur hypothèque à taux fixe et s’étaient vu facturer non seulement la totalité des intérêts encore dus mais aussi une charge supplémentaire à titre d’intérêts négatifs. La justice a contraint les deux établissements à rembourser ces derniers à leurs clients. Soit, tout de même 2000 fr. pour l’un et 5300 fr. pour l’autre.
La Cour suprême du canton de Zurich et le Tribunal cantonal de Schaffhouse ont constaté que les contrats de prêt en cause, conclus respectivement en 2011 et 2013 – soit avant l’entrée en vigueur de taux inférieurs à zéro sur les marchés financiers – ne faisaient aucune mention d’un intérêt négatif dans le calcul de la pénalité de retard. Ils ont donc considéré que les clients ne pouvaient, de bonne foi, pas s’attendre à devoir les payer en plus.
Remboursement à réclamer
Certaines banques intègrent depuis quelques années déjà, dans leurs clauses contractuelles, la possibilité d’inclure un rendement négatif dans le calcul de la pénalité. Mais les décisions de justice alémaniques ont amené plusieurs établissements bancaires ou d’assurance, également actifs en Suisse romande, à rembourser des clients ayant emprunté à des conditions plus ambiguës, clients qui ont cependant dû réclamer leur dû. Car mieux vaut ne pas compter sur un geste spontané de tous les prêteurs potentiellement concernés. La Banque Migros, qui a fait les frais du jugement de la Cour suprême zurichoise de 2019, nous a confirmé qu’une demande devait lui être adressée et que chaque cas serait traité individuellement.
Quel que soit l’organisme à l’origine du crédit, le premier réflexe est donc d’examiner attentivement son contrat: fait-il explicitement mention de la possibilité de facturer aussi des intérêts négatifs en cas de résiliation anticipée? Si tel n’est pas le cas et qu’ils ont été payés à tort, il faut alors interpeller le prêteur par écrit et en exiger le remboursement, même si la transaction remonte à plusieurs années.
Dans tous les cas, il est possible de réclamer un calcul détaillé et transparent de la pénalité. Et, en cas de doute, n’hésitez pas à prendre contact avec le Service juridique de Bon à Savoir.
Silvia Diaz
Pénalités pas toujours déductibles des impôts
Mettant fin à des années de pratiques disparates selon les cantons, le Tribunal fédéral a clarifié, en décembre 2019, le traitement fiscal réservé aux pénalités de résiliation d’hypothèque. Le contribuable ne peut déduire ces frais de ses revenus que s’il a mis fin à son prêt pour en conclure un nouveau auprès du même établissement de crédit. Mais il ne pourra pas le faire s’il change de prêteur. En cas rupture du contrat pour cause de vente, la somme à verser est considérée comme frais d’investissement et déductibles de l’impôt sur les gains immobiliers.