«Inutile», «polluant», «insensé»... Les partisans de l’énergie bois et les organisations environnementales critiquent l’importation de ce combustible depuis les pays de l’Est. En cause, les rejets de CO2 de camions qui parcourent des centaines de kilomètres jusqu’en Suisse. Le trajet d’un tel véhicule chargé de bois à brûler depuis la Lituanie propulse environ 1,3 tonne de gaz carbonique dans l’atmosphère, d’après les recherches de Bon à Savoir.
Ce qui n’empêche pas Obi de se procurer cette ressource auprès du pays balte, distant de 1700 km. L’entreprise n’a pas voulu donner davantage de précisions concernant les modalités du transport. D’autres grands magasins spécialisés comme Hornbach ou Landi ont, eux, pleinement confirmé qu’ils faisaient venir du bois de l’étranger par camions. Le premier en importe de Pologne, le second de Bosnie.
D’après l’Administration fédérale des douanes (AFD), la Suisse s’est procuré 407 149 tonnes de bois à brûler hors de ses frontières l’an dernier. La part du combustible importée de l’étranger s’élèverait à environ 10% du total, face à 90% de production indigène, selon l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Les émissions de gaz à effet de serre issues de l’énergie bois demeurent plus faibles et moins dommageables pour le climat que celles provenant du pétrole, du gaz et du charbon, souligne l’office.
L’énergie bois critiquée
Il n’empêche: «L’importation de bois de chauffage constitue un indéniable non-sens écologique,» affirme Gesche Jürgens, experte de la question des forêts chez Greenpeace. De façon générale, la combustion de bois pose problème.»
Il y a un an, 500 scientifiques des quatre coins du monde envoyaient une missive aux dirigeants de l’Union européenne, des Etats-Unis, du Japon et de Corée du Sud, appelant à cesser de brûler les forêts dans le but de produire de l’énergie. Le bois n’est pas une alternative viable au pétrole et au gaz, clamaient-ils. Il est présenté comme une énergie renouvelable, puisqu’il prévoit la repousse d’arbres qui stockeront à leur tour autant de CO2. Grandir et absorber le gaz carbonique prend cependant aux arbres beaucoup de temps, un temps que le monde n’a plus dans la lutte contre le changement climatique.
Ces critiques sur le principe du bois utilisé pour son énergie interviennent alors que toujours plus de ménages optent pour cette solution et que les pouvoirs publics soutiennent ces initiatives.
En Suisse, la demande a augmenté de 60% au cours des deux dernières décennies, d’après la Statistique fédérale de l’énergie du bois. Quiconque remplace son chauffage au mazout ou au gaz par un système au bois ou à pellets reçoit un soutien financier de la part des cantons et de la Confédération. Des subventions à hauteur de 9 millions de francs ont été distribuées en 2019. De son côté, l’OFEV continue à promouvoir cette ressource, qu’il décrit comme neutre en CO2 et favorable au climat.
Bientôt du 100% suisse
Si le chauffage au bois fait aujourd’hui débat, plus personne ne conteste les dégâts environnementaux collatéraux à l’import de ce combustible. Les enseignes Hornbach et Landi disent vouloir ne proposer, à terme, qu’un bois à brûler 100% suisse. La première a promis que ce serait le cas dès cette année. La seconde précise que la part de bois indigène vendue se monte pour l’heure à 72% du total. Et d’arguer que les forêts suisses ne produisent pas assez de bois à brûler actuellement pour couvrir les besoins.
Des faits que conteste Andreas Keel, directeur de l’association Energie-bois Suisse: «La grande distribution importe du bois de chauffage parce que c’est moins cher», assure-t-il. En bout de chaîne, le client peut également l’acheter à moindre prix. Selon Andreas Keel, la Suisse aurait la capacité de produire davantage de bois de chauffage, «au lieu de laisser pourrir dans ses forêts des arbres déracinés par les tempêtes».
Pour être sûr de se chauffer avec du bois local, il est possible de s’en procurer auprès d’administrations municipales. Les sites Internet des villes fournissent souvent des renseignements sur la possibilité d’acheter du bois issu des forêts environnantes.
Jimmy Sauter / gda