Les années 1980, ça évoque la période disco et le boom des jeux vidéo. Plus sérieusement, en Suisse, le 1er janvier 1985 marque l’instauration de la prévoyance professionnelle pour tous, avec l’obligation de cotiser à une caisse de pension. Parallèlement à ce 2e pilier, le Parlement a encouragé chacun à alimenter un bas de laine bloqué jusqu’à la retraite, en déduisant les versements du revenu imposable: le 3e pilier lié était né.
Bernard*, un lecteur vaudois, ne perd pas de temps et contracte, en 1986, une assurance vie liée auprès de la compagnie Winterthur, devenue depuis AXA. L’échéance est fixée au 1er janvier 2018, six mois après ses 65 ans. En 1995, rebelote avec un deuxième contrat. Toujours chez AXA, il se termine en décembre 2017, histoire de pouvoir échelonner les retraits. Cette astuce vise à limiter le montant de l’impôt, puisque celui-ci est proportionnel au capital (lire encadré).
En 2013, à 61 ans, l’assuré prend une retraite anticipée, mais il continue d’alimenter ses cagnottes pendant quatre ans. Aux échéances prévues, soit en décembre 2017 et en janvier 2018, il boucle successivement ses deux comptes.
Taxé à double
Notre lecteur est donc désagréablement surpris en recevant l’avis de taxation des retraits. L’Office d’impôt d’Yverdon a, en effet, comptabilisé les deux opérations sur l’année fiscale 2017 en les additionnant pour arriver à 126 000 fr. au total. La taxation séparée aurait pourtant permis au contribuable d’économiser 1500 fr., soit près du cinquième de la note! Bernard proteste, mais en vain: dans le canton de Vaud, les comptes 3a doivent être bouclés, et donc déclarés au fisc, pendant l’année où on souffle ses 65 bougies au plus tard.
Et ce n’est pas tout. Entre 2013, date de sa retraite anticipée, et 2017, année de ses 65 ans, notre lecteur n’avait pas le droit de continuer d’alimenter la cagnotte, car il ne travaillait plus. Ces cotisations n’ont pas été déduites de son revenu, mais ont été tout de même taxées au moment du retrait.
L’assureur a-t-il commis une erreur en fixant l’échéance des polices après le 65e anniversaire de Bernard? AXA botte en touche. «Les échéances des deux contrats ont été fixées à l’âge de 65 ans, ce qui correspond aux normes légales. D’autres cantons se montrent plus souples», précise le porte-parole Urban Henzirohs.
L’enfer est pavé de bonnes intentions. En 1986, le courtier n’avait pas imaginé que son client prendrait une retraite anticipée, ni que les pratiques fiscales évolueraient. «Si ce lecteur avait fixé les échéances en 2016 et 2017, soit à 64 et 65 ans, il aurait pu échelonner les retraits et réaliser une économie d’impôt», relève Olivier Segessemann, directeur de VZ Lausanne.
Dans ce domaine, la pratique fiscale évolue constamment. «Dans le canton de Vaud, l’échelonnement des capitaux de prévoyance après l’âge légal de l’AVS n’est en effet plus autorisé, et ce, même si le contribuable continue de travailler», précise Olivier Segessemann.
Pieds et poings liés
Pour limiter les dégâts, Bernard a tenté, mais en vain, de soustraire les cotisations versées alors qu’il était déjà à la retraite. «L’autorité de taxation se base sur les attestations établies par l’institution de prévoyance», explique Marianne Cornaz, porte-parole du fisc vaudois. Il n’est pas possible de vérifier si ce montant correspond aux cotisations qui ont été déduites. Bernard aurait pu, en revanche, demander à AXA le remboursement des montants versés à tort. Avec, pour conséquence, la rupture de son contrat d’assurance vie… et des pénalités financières.
*Nom connu de la rédaction.
Claire Houriet Rime
Conseils: garder la souplesse
Les versements sur un compte de prévoyance liée sont déductibles des impôts, que ce soit auprès d’une banque ou d’une assurance. Au moment où on récupère sa mise, entre 60 ans (59 ans pour les femmes) et 65 ans (64 ans), le fisc se rattrape avec un impôt proportionnel au capital. A noter que, dans les couples mariés, les prestations s’additionnent. «L’idéal est d’ouvrir au moins deux comptes chacun pour échelonner les retraits», explique Paul Coudret, auteur du guide pratique Comment déclarer ses impôts.
Olivier Segessemann, directeur de VZ Lausanne, préconise d’ouvrir un compte bancaire 3a pour la part épargne et de choisir une police d’assurance type risque pur si on souhaite se prémunir en cas de décès ou invalidité. Le fait de dissocier les deux produits offre plus de flexibilité et de meilleures chances de rendement. L’exemple de ce lecteur illustre bien les inconvénients de ce genre de police.