Créer une association en Suisse? Rien de moins sorcier! Il suffit de ne pas avoir de but lucratif et de rédiger des statuts écrits conformes à la loi pour que le tour soit joué, sans autres formalités! «Le Code civil, par ses articles 60 et suivants, est très favorable, explique Christine Chappuis, doyenne de la Faculté de droit de l’Université de Genève. C’est un parti pris du législateur: faciliter la création des associations en contrepartie du fait qu’elles ne doivent pas poursuivre de but économique. L’idée de base était que le cercle de gymnastique du quartier puisse fonctionner de manière aussi simple que possible.»
En regard de ses avantages (lire encadré), cette forme légale a, toutefois, rapidement séduit bien au-delà des salles de gym. Elle est ainsi devenue l’une des plus répandues en Suisse. Personne n’est cependant en mesure de fournir un nombre précis, puisque aucun enregistrement n’est requis pour les associations. Seule exception: l'inscription au Registre du commerce est obligatoire lorsque l'activité commerciale génère plus de 100 000 fr. de recettes brutes annuelles (plus de 7600 associations sont ainsi inscrites, ce chiffre incluant cependant celles qui l'ont fait volontairement, sans y être obligées).
En fait, on exagérerait à peine en affirmant qu’il existe des associations pour presque tout dans notre pays: les banquiers, les locataires, les randonneurs équestres, les constructeurs navals, les commerçants en tapis d’Orient, les apithérapeutes, les organes officiels de contrôle des champignons ou encore les amis du Dr Janusz Korczak ont, par exemple, la leur. Les partis politiques sont aussi constitués sous cette forme, tout comme les scouts, la SSR, le CIO et bien d’autres encore.
À vous de jouer
Si vous avez un projet artistique, scientifique, de bienfaisance, de récréation ou autres et souhaitez constituer une association, vous pouvez la créer en dix minutes au coin d’une table en écrivant une version minimale des statuts. Il est toutefois conseillé d’y apporter un soin particulier, afin qu’ils correspondent aux besoins effectifs. On trouve sur la toile de nombreux guides pratiques ainsi que des modèles de statuts*.
Voici quelques éléments à retenir pour le processus de création.
Les membres fondateurs
On ne peut pas créer une association en solo, mais la doctrine est divisée sur le nombre minimal de membres fondateurs, la loi ne précisant rien à ce sujet. Pour certains experts, il suffit de deux personnes, pour d’autres, il faut être trois, afin de respecter le principe de la majorité.
La nationalité, dans tous les cas, n’a aucune importance. En revanche, les mineurs ne peuvent pas, en principe, être membres fondateurs puisqu’ils n’ont pas l’exercice des droits civils. Des exceptions sont acceptables lorsqu'il n’en découle aucune obligation financière pour ces derniers, ou que le représentant légal donne son consentement.
Le nom de l’association
La loi n’exige même pas que l’association porte un nom, mais la doctrine le veut. Ce dernier est ensuite protégé par le Code civil (CC), notamment l’article 29 «qui permet à l’association dont le nom est usurpé de demander au juge de faire cesser cette usurpation et, dans certains cas, de réclamer une indemnité», précise Christine Chappuis.
Les statuts
La loi se contente d’exiger qu’ils soient rédigés par écrit, expriment la volonté de l’association d’être organisée corporativement et contiennent «les dispositions nécessaires sur le but, les ressources et l’organisation de l’association» (art. 60 al. 2 CC).
Les textes légaux ne précisent rien sur le mode d’adoption des statuts ni sur la procédure à suivre pour constituer l’association, mais la pratique suggère que les membres fondateurs adoptent ces derniers lors d’une assemblée constitutive, qui fera elle-même l’objet d’un procès-verbal.
Libre à vous de vous réunir où vous le souhaitez pour constituer l'association. Vous pouvez même gribouiller les statuts sur un bout de papier au Café du Commerce, mais n’oubliez pas que, si vous souhaitez, par exemple, ouvrir un compte bancaire ou postal au nom de l’association, on vous demandera un exemplaire des statuts, datés et signés, et le procès-verbal de l’assemblée constitutive. Mieux vaut donc faire les choses avec soin.
Le but
Les statuts doivent mentionner le but. Dans son «Canevas de statuts d’une association», le Service juridique du canton du Jura estime que «la formulation doit être assez large, car devoir modifier un but trop précis peut causer des problèmes». Pour une association cantonale de hornuss, on pourrait, par exemple, écrire qu’elle a «pour but de développer et de favoriser la pratique du hornuss dans le canton XY», plutôt que de préciser qu’elle va «exploiter un centre de formation». Du coup, cela ne posera pas de problème si, quelques années plus tard, l’association abandonne la gestion de ce centre.
Comme nous l’avons dit, la loi exige qu’il n’y ait pas de but économique. Cela ne signifie pas que l’association ne peut pas avoir d’employés salariés. Elle peut même réaliser des bénéfices, pour autant qu’ils ne soient pas répartis entre les membres. «Le principe de non-lucrativité, caractéristique de la structure associative, implique que les gains soient gérés pour atteindre le but principal de l’association», explique Marie-Chantal Collaud dans son ouvrage «Comment créer et animer une association»*.
Les ressources
Pour mener à bien ses activités, une association a besoin de ressources. Selon l’art. 60 al. 2 du Code civil, les statuts doivent en préciser l’origine. Il peut s’agir de cotisations, de subventions, de dons, de legs, etc. Il n’est pas nécessaire que le montant des cotisations soit mentionné.
L’organisation
Là aussi, les statuts doivent indiquer quels sont les organes de l’association. En règle générale, il y a la direction (ou comité), qui est l’organe exécutif, et l’assemblée générale ainsi que, dans certains cas, les vérificateurs des comptes. La loi précise que l’assemblée générale est le pouvoir suprême de l’association et qu’elle est convoquée par la direction, dans les cas prévus par les statuts ou lorsqu’un cinquième des sociétaires en fait la demande (art 64 CC). La loi ne se prononce pas sur la périodicité des assemblée générales.
Sébastien Sautebin
Bonus web:Créer une association
Dissoudre une association
Dans les cas où la durée de l’association est limitée dans le temps par son but propre, par exemple l’organisation d’une manifestation commémorative, il convient de le préciser dans les statuts.
Autrement, la dissolution peut être décidée par un juge si le but de l’organisation est déclaré illicite ou contraire aux mœurs (art. 78 CC). Elle peut également être dissoute en cas d’insolvabilité ou lorsqu’il est devenu impossible de constituer un comité conforme aux statuts, par exemple parce qu’il n’y a plus assez de membres (art. 77 CC).
Finalement, une association peut, de son propre chef, décider sa dissolution en tout temps (art. 76 CC). La décision est prise lors d’une assemblée générale ordinaire ou extraordinaire. La loi n’impose pas de majorité spéciale, il est d’usage que les statuts précisent ce point.
Les avantages du statut associatif
Très facile à créer et jouissant d’une grande liberté pour son organisation, l’association présente également plusieurs avantages par rapport à un groupement informel. Ainsi, une structure organisée est de nature à favoriser la pérennisation d’un projet et le statut associatif est susceptible d’offrir une meilleure crédibilité, par exemple lors de la recherche de sponsors.
Par ailleurs, une association est une personne morale, distincte de ses membres, qui peut donc, en son nom propre, louer ou être propriétaire de locaux, organiser des manifestations et autres activités, ouvrir un compte, rechercher des partenaires financiers, etc.
Ce statut de personne morale distincte implique aussi, et c’est un avantage non négligeable, que les membres d’une association ne sont pas financièrement responsables de ses dettes.