Entrée en vigueur le 1er mars 1988, la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD) est destinée à garantir des pratiques correctes dans les relations commerciales. Dans les faits, cette loi protège peu les consommateurs. Après de longs mois de discussions aux Chambres fédérales, le texte a enfin été révisé et de nouvelles règles entrent en vigueur cette année. Tour d’horizon des principales modifications qui permettront de mieux lutter contre les abus.
Pratiques désormais déloyales
L’article 3 de la loi décrivait jusqu’ici une série d’actions prohibées. A partir du 1er avril 2012, cette disposition sera complétée et proposera une liste plus étendue des pratiques définies comme contraires à la loyauté.
Arnaques à l’annuaire
Les offres pour une inscription dans un répertoire contiendront dorénavant certaines informations. Le client doit en particulier clairement comprendre qu’il s’agit d’un registre – imprimé ou en ligne – privé, et non d’une inscription officielle et obligatoire. Il sera manifeste que le contrat est payant et conclu pour une certaine durée. Le rayon de diffusion de l’annuaire doit être également indiqué.
De nombreux indépendants et PME sont contactés, souvent par fax, sous des prétextes divers. Ainsi, plusieurs victimes de ces agissements ont été invitées, par exemple, à confirmer leur adresse en signant un document qui est, en fait, un contrat d’abonnement à un registre. Dès le 1er avril 2012, de telles pratiques seront clairement illicites, car déloyales (lire BàS 6/2010*).
Systèmes de vente «boule de neige»
Si les produits proposés ne sont qu’un alibi et que l’objectif d’un système de vente est de recruter de nouveaux adhérents, c’est déloyal.
La question se pose, concrètement, face à des sociétés comme ACN, qui diffusent des produits de télécommunication par le biais d’un marketing pyramidal. Mais les prestations proposées sont-elles réellement intéressantes pour le client ou ne servent-elles que de support à un système qui rapporte gros à ses initiateurs? Peut-être la justice tranchera-t-elle dans un avenir proche (lire BàS 9/2011*).
Commerce électronique
L’identité et l’adresse du vendeur doivent être indiquées, de même que l’explication des étapes de la commande. La possibilité de corriger des erreurs avant commande ainsi qu’une confirmation de celle-ci sont désormais obligatoires.
Cette disposition permettra d’éviter des mésaventures telles que des frais de douane inattendus pour l’acheteur – lequel ignore que le vendeur se trouve à l’étranger, contrairement aux apparences (lire BàS 4/2010*).
Démarchage téléphonique
La société qui ne respecte pas la volonté de celui qui ne souhaite pas être démarché au téléphone fait désormais preuve d’un comportement déloyal.
Les exemples sont nombreux, et ce d’autant plus que, à l’heure actuelle, de nombreux centres d’appels sont situés dans des pays lointains et gérés par des sociétés qui se moquent de la volonté du consommateur.
Attention: un accord donné par téléphone uniquement peut suffire à passer un contrat. Et, à l’heure actuelle, il n’y a pas encore de droit de révocation de sept jours pour les ventes conclues par téléphone. La prudence reste donc de mise face au démarchage téléphonique (lire aussi l'actu online du 23.09.2011).
Contrôle des conditions générales
Il s’agit des «petites lettres» qui accompagnent la plupart des contrats de la vie courante et en font partie intégrante.
En premier lieu, les conditions dites insolites ne sont pas valables. Il s’agit là des clauses inhabituelles, sur lesquelles l’attention de la partie la moins expérimentée – en général le client – n’a pas été attirée. Le caractère insolite d’une clause doit s’apprécier en fonction du type de contrat et du domaine d’activité.
Dès le 1er juillet prochain, certaines clauses des conditions générales (CG) pourront être considérées comme nulles si les trois conditions suivantes sont toutes remplies.
> Elles créent une disproportion notable et injustifiée entre les parties, au point que le résultat est manifestement inéquitable.
> Les CG sont en contradiction avec les règles de la bonne foi.
> La partie faible est un consommateur, ce qui exclut, par exemple, qu’une entreprise puisse invoquer la LCD pour ce qui est des conditions générales.
Concours et tirages au sort
Si vous ne pouvez gagner qu’en appelant un numéro surtaxé ou par un achat ou encore en participant à une manifestation ou à un voyage, cela ne sera plus admissible dès le 1er avril prochain.
Voici quelques exemples de pratiques qui devraient désormais être déloyales, rapportées par des lecteurs de Bon à Savoir.
La société Telebilling a ainsi sévi en Suisse dans les premiers mois de 2011. Cette dernière proposait un concours en ligne, auquel la participation a été importante, puisque des iPhone étaient en jeu. Malheureusement, les participants se sont retrouvés malgré eux liés par un abonnement mensuel d’un coût de 59.90 fr. (lire BàS 2/2011*).
Toujours en utilisant l’iPhone comme appât, la société Echovox proposait un concours par SMS. La participation était en réalité payante (lire BàS 1/2009*).
D’autres entreprises s’illustrent en organisant des prétendues soirées de remise de prix, lesquelles sont, en réalité, des démonstrations ventes d’objets et/ou de voyages divers (lire BàS 4/2008*).
Et concrètement?
Seul l’avenir démontrera si, au quotidien, la situation des consommateurs sera améliorée par les nouvelles dispositions de la LCD. Il faudra attendre les premiers jugements rendus sur la base des règles récentes pour en savoir plus, en particulier dans les affaires qui iront jusqu’au Tribunal fédéral, ce qui peut prendre de nombreux mois, voire des années.
Toujours est-il que, en cas d’infractions à la LCD, la victime peut saisir le juge civil pour exiger, par exemple, l’interdiction ou la cessation de ses pratiques déloyales. Une action en dommages-intérêts est également possible, en vue d’obtenir une réparation financière.
La voie de la plainte pénale, qui peut aboutir à la condamnation du fautif, est aussi envisageable.
Ces actions sont toujours ouvertes au consommateur. Le particulier qui souhaite saisir la justice ne peut que difficilement se passer d’un avocat, qui le guidera dans les méandres de la procédure pour en éviter les écueils. Il faut toutefois garder à l’esprit qu’une telle procédure est forcément très coûteuse et que son issue est toujours incertaine!
Dans quelques cas clairement délimités, des associations professionnelles, économiques ou de défense des consommateurs peuvent aussi s’entremettre, de même que la Confédération s’il s’agit de protéger la réputation de la Suisse à l’étranger. Celle-ci pourra désormais, en outre, intervenir lorsque des intérêts collectifs sont lésés, soit si un comportement déloyal atteint une certaine ampleur et affecte un grand nombre de personnes.
Barbara Venditti
* accédez à tous les liens mentionnés