L’AVS ne reconnaît que deux statuts: celui de salarié et celui de travailleur indépendant. Dans le premier cas, l’employeur et l’employé paient les cotisations à l’AVS pour moitié chacun. Dans le second, le travailleur les assume seul, à un pourcentage toutefois inférieur.
A priori, cette distinction est aussi simple que deux et deux font quatre. Dans la pratique toutefois, les employeurs et l’AVS n’ont pas forcément la même notion de ces deux statuts respectifs, comme en témoigne Jacqueline*.
En juillet dernier, elle décroche un contrat à durée déterminée (CDD) de six mois en tant que consultante en communication pour une grande entreprise genevoise. «Je pensais être embauchée comme salariée. D’autant que, à aucun moment, il n’a été fait mention d’un quelconque statut d’indépendant», précise-t-elle d’entrée.
Critères stricts à remplir
La société considère pourtant que Jacqueline est indépendante et lui réclame, par conséquent, une attestation d’affiliation à l’AVS. Pour ne pas perdre son mandat, Jacqueline s’exécute et demande son affiliation à la Caisse cantonale genevoise de compensation. Qui refuse! Motif invoqué: elle ne remplit pas les critères requis. En effet, pour l’AVS, un mandat unique est généralement considéré comme une activité dépendante. «En principe, explique Sandra Pochon, avocate à l’Office fédéral des assurances sociales, nous ne considérons comme indépendantes que les personnes qui organisent librement leur activité, qui n’ont aucun rapport de subordination et assument l’entier des risques économiques.» La caisse de compensation n’examine donc que les conditions économiques: un contrat qui mentionne la condition d’indépendant n’a, dès lors, aucune valeur à ses yeux.
La firme, elle, ne l’entend pas de cette oreille et refuse catégoriquement de payer les honoraires qu’elle doit à notre lectrice, soit 3000 fr. au total, tant que sa situation n’est pas régularisée. Comprenez, tant qu’elle n’est pas affiliée en tant qu’indépendante auprès de l’AVS!
Résultat des courses: le contrat de Jacqueline est tout bonnement gelé jusqu’à ce que sa situation d’indépendante se régularise. «Je risque de perdre mon mandat et l’AVS s’en contrefiche, s’emporte-t-elle. Je trouve scandaleux que, dans un pays où l'on est tenu de verser les cotisations sociales, on ne puisse pas le faire sur une base volontaire.» Et de s’interroger sur les possibilités de recours.
Pas de remède miracle
Malheureusement pour elle, les solutions sont peu nombreuses. Si Jacqueline considère qu’elle est salariée de l’entreprise, elle peut tenter de faire reconnaître ce statut par les Tribunaux de prud’hommes. De source sûre, ils traitent régulièrement ce genre de cas qui n’épargne effectivement aucune profession. Avantage: la procédure est gratuite. Toutefois, le risque de perdre le travail est élevé.
En revanche, si notre lectrice veut faire reconnaître sa condition d’indépendante, elle peut demander à la caisse de compensation auprès de laquelle elle a déposé sa demande d’affiliation de constater formellement son refus. Cette décision sera ensuite notifiée à «l’employeur».
Elle peut ensuite, tout comme l’employeur d’ailleurs, faire opposition, auprès de ladite caisse de compensation dans les 30 jours dès réception de la décision. En cas de nouveau refus, elle peut s’adresser cette fois au Tribunal des assurances sociales du siège de la caisse de compensation, dans les 30 jours toujours.
Un ultime recours est encore possible auprès du Tribunal fédéral. Lequel statuera définitivement. S’il décide finalement que Jacqueline est salariée, son employeur devra alors s’acquitter de la part patronale des cotisations.
Elle devra toutefois prendre son mal en patience et avoir quelques économies devant elle: la procédure peut s’avérer longue, très coûteuse et reste incertaine!
*Nom connu de la rédaction.