«Mon assurance maladie déroule le tapis rouge à la pharmacie en ligne Zur Rose en insérant, dans son magazine, son prospectus. Et le pompon, c’est qu’il offre des bons Migros à ses nouveaux clients!» Perplexe, cette assurée de la CSS s’interroge: les acteurs de la santé sont-ils liés au distributeur? Et les autorités ne mettent-elles pas, précisément, en garde contre les commandes de médicaments sur internet?
«Nous offrons des bons Migros depuis plusieurs années, et ce, sans lien particulier avec cette société», précise d’emblée la porte-parole de la pharmacie en ligne Zur Rose. Ce n’est qu’un appât pour attirer de nouveaux clients, avec 50 fr. à la clé si l’ordonnance est renouvelable et 10 fr. pour une commande unique.
Pour la CSS, rien d’anormal à mettre en avant de telles officines: «Nous avons intérêt à permettre à nos clients de choisir la solution la plus appropriée, déclare sa porte-parole Nina Mayer. Les pharmacies par correspondance ont aussi des avantages. Outre le confort de ne pas se déplacer, les rabais proposés ont une influence positive sur les coûts de la santé et, à terme, aussi sur les primes.»
Sur son site internet, la CSS invite du reste ses assurés à faire leurs emplettes, soit auprès de Zur Rose, soit de son principal concurrent, Mediservice.
Seulement sur ordonnance
Danièle Bersier, porte-parole de l’Institut suisse des produits thérapeutiques Swissmedic, rappelle que la vente par correspondance, en Suisse, est limitée aux officines ayant reçu une autorisation. La pharmacie doit en effet pouvoir s’assurer que le destinataire du colis et le patient qui a reçu l’ordonnance ne font qu’un. En outre, seuls les médicaments prescrits peuvent être achetés par correspondance. Les préparations en vente libre doivent, pour leur part, être délivrées par une pharmacie ou une droguerie ayant pignon sur rue pour bénéficier du conseil d’un spécialiste.
De surcroît, la prescription doit avoir été établie avant la commande. Précaution qui garantit que le patient a bien consulté son médecin. En 2015, le Tribunal fédéral avait jugé qu’une ordonnance rédigée après coup par un médecin mandaté par la pharmacie en ligne n’était pas valable. Car ce procédé ne permet pas au praticien de connaître le patient, puisqu’il se fonde uniquement sur un questionnaire de santé.
Pour l’assurée de la CSS, cet étrange ménage à trois garde toutefois un goût amer. Comment justifier que de tels «cadeaux» viennent grossir la note des coûts de la santé? L’Office fédéral de la santé publique (OFSP), lui-même, ne se prononce pas sur la légalité du procédé: «Les assureurs ont le droit d’indiquer à leurs assurés les pharmacies proposant des médicaments à un tarif avantageux. De plus, la loi sur l’assurance maladie (LAMal) autorise les rabais sur ces derniers, mais à condition qu’ils profitent au débiteur, c’est-à-dire à l’assureur. Nous ne pouvons pas juger si les bons offerts par la pharmacie Zur Rose se rangent dans cette catégorie.»
Claire Houriet Rime
Lire le bonus web: Médicaments sur internet: les précautions à prendre
Eclairage: Précautions à l’étranger
Swissmedic met en garde contre les achats de médicaments sur des sites étrangers, car des centaines de contrefaçons, de produits de mauvaise qualité et inefficaces, ou encore de préparations normalement soumises à ordonnance y sont proposées. On se méfiera en particulier des produits miracles pour maigrir, accroître sa masse musculaire ou renforcer son système immunitaire, voire combattre le cancer.
Sur le plan légal, rien n’interdit toutefois ce commerce, les fournisseurs étrangers n’étant pas soumis au droit suisse. La quantité est toutefois limitée à un mois de traitement, une durée également valable si l’on fait ses emplettes sur place. Quant aux médicaments contenant des stupéfiants, tels que somnifères, tranquillisants ou antalgiques, ils peuvent être importés que si une prescription médicale est jointe à l’envoi. Ils ne seront toutefois pas remboursés par la caisse maladie.
Les colis illégaux seront saisis par la douane. Une fois la marchandise bloquée, Swissmedic ouvre une procédure qui se solde généralement par son élimination. Son coût, de quelque 300 fr., sera facturé au destinataire.
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