Essayez de mentionner l’hypnose comme technique d’anesthésie lors d’une soirée entre amis. L’incrédulité risque de planer dans la pièce. Grave erreur! Car, loin des images ésotériques des spectacles de foire, cet outil fait son chemin en milieu hospitalier, que ce soit sous forme clinique, avec des séances formelles, ou comme nouvelle base de communication entre le corps médical et les patients.
Si l’hypnose ne nécessite pas de prédispositions spéciales du patient, ce n’est pas non plus une baguette magique, car elle requiert sa participation entière. Lors d’une première rencontre avec le thérapeute, ils déterminent ensemble l’objectif à atteindre.
La technique peut être appliquée dans tous les services et pour toute la durée du séjour à l’hôpital. Les HUG ont identifié une trentaine de situations qui justifient d’y avoir recours. Par exemple, avant une intervention ou un accouchement, pour rassurer le patient en stoppant l’anxiété de l’anticipation. Et lui apprendre à gérer, en amont, les douleurs et les éventuelles complications postopératoires. «Plus il sera détendu et moins il y aura de problèmes», résume Adriana Wolff, médecin adjoint au Service d’anesthésiologie aux HUG et superviseur de la Société Médicale Suisse d’Hypnose.
Bloc opératoire et soins
Cette approche est également indiquée avant un examen gênant ou invasif, tel qu’un scanner ou une coloscopie. Si le patient focalise son attention sur autre chose que l’impression d’enfermement ou l’inconfort, il traverse l’épreuve sans paniquer et vit mieux la consultation.
L’hypnose est aussi d’un grand secours au moment de changer un pansement, ou d’enlever un drain. Elle peut encore aider en cas de phobie à l’aiguille: après quelques séances, le patient appréhende calmement la piqûre.
Plus spectaculaire: en associant l’hypnose à une anesthésie locale, on peut éviter une anesthésie générale. C’est le cas, aux HUG, pour les ablations complètes ou partielles de la thyroïde, ou pour l’arthroscopie du genou. Après une séance préparatoire, le thérapeute accompagne le patient au bloc. L’opération a lieu sous hypnose et sous anesthésie locale. L’Hôpital neuchâtelois propose la même stratégie pour les interventions ne nécessitant pas d’être endormi complètement. «Le réveil est moins compliqué, le pouls et la tension sont sous contrôle et les hématomes moins nombreux», explique Adriana Wolff.
Les enfants aussi
L’hypnose est également proposée dans les services confrontés à la gestion de la douleur, qu’elle soit due à la maladie ou à un accident, au traitement ou à un soin. On peut ainsi aider le patient à «endormir» une partie du corps avec des images adéquates, en la plongeant, en pensée, dans un lac froid qui engourdira les sensations.
La démarche est encore précieuse dans le domaine de la pédiatrie, les enfants étant très doués pour laisser l’imagination prendre le dessus. Le petit qui va subir une piqûre imaginera un gant doux et épais pour protéger sa main. Les jeunespatients vivent mieux leur séjour à l’hôpital si on les accompagne adéquatement.
Trois phases
Une séance d’hypnose dure entre 20 et 50 minutes. La première phase de la séance consiste à modifier l’état de la conscience. Le patient est invité à oublier les soucis du quotidien et à se concentrer pleinement sur une expérience positive: un lieu, une sensation, une musique ou une image.
Pendant la seconde phase, celle du travail hypnotique proprement dit, la pensée rationnelle est mise entre parenthèses et le patient fait appel à son imaginaire, selon les suggestions du thérapeute. La démarche doit être calquée sur les besoins de chacun pour trouver la solution la plus adéquate.
La dernière phase est celle du retour à l’état de conscience critique. Le patient reprend pied dans la réalité.
Des mots qui rassurent
A Genève, en Valais et au CHUV, le corps médical s’inspire de l’hypnose pour envisager la communication sous un nouveau jour. «Quand il entre à l’hôpital, le patient est en perte de repères. Il est constamment en quête d’informations pour se rassurer: les mots prononcés en sa présence sont donc très importants», explique Adriana Wolff. Or, selon la manière dont on parle de lui ou sa maladie, les termes utilisés peuvent être inquiétants, voire blessants.
Un mot sera ainsi immédiatement associé à son sens premier, même dans une phrase négative. Si on lui dit: «ça ne fera pas mal», il va entendre le mot «mal», ce qui évoquera la douleur au lieu de le rassurer! En utilisant des mots tels que «confort» ou «soulagement», on éveille des images qui ressourcent au lieu de faire peur.
Dans cette optique, les HUG ont décidé de changer la culture de communication à large échelle pour en faire le socle de la relation avec les patients. Quelque 1000 personnes ont déjà suivi une formation dans ce but.
«L’attitude générale du corps médical est très importante», confirme le formateur en hypnose et directeur général de l’Hôpital du Valais Eric Bonvin, qui inscrit la démarche dans l’approche globale des soins. Si les soignants adoptent une attitude bienveillante et s’adressent au patient en respectant son ressenti, il sesent mieux sans augmenter la dose de calmants.
Et d’ajouter: «Cette pratique est exigeante, mais elle modifie en profondeur le rapport entre soignants et patients. Le corps médical prend en compte les perceptions du patient pour être mieux en mesure de l’accompagner.» De son côté, ce dernier est mis en confiance par une prise en charge plus humaine. Il ne sent plus traité comme un numéro ou résumé à un diagnostic, mais considéré comme une personne à part entière.
Claire Houriet Rime
Conseil de lecture: «L’hypnose», Yseult Théraulaz, Eric Bonvin, Adriana Wolff, Planète Santé.
Un outil accessible à tous
En grec, «hypnos» veut dire «sommeil». L’hypnose porte donc mal son nom, car elle requiert une grande concentration. Contrairement aux préjugés, il ne s’agit pas de manipuler le patient en le regardant dans le blanc des yeux, mais de le rendre plus autonome. Bien préparé, il abordera plus sereinement un environnement au premier abord hostile, et ce, sans forcer la dose de calmants. L’imagerie médicale a prouvé que, pendant l’état hypnotique, l’activité des zones cérébrales concernées par la douleur est nettement atténuée.
Chacun a occasionnellement recours à l’hypnose… sans même s’en rendre compte. Exemple classique: prendre sa voiture et arriver au bureau sans avoir conscience d’avoir passé les vitesses, ralenti au feu rouge et traversé trois ronds-points, car on était préoccupé par la séance de l’après-midi.
Le cerveau est en effet capable de faire deux choses en même temps, ou de se dissocier: cette compétence est la base de l’expérience de l’hypnose. Ainsi, en focalisant son attention sur une pensée agréable plutôt que sur une sensation négative, on apprend à se protéger de cette dernière.
Commentaires sur cet article
Veuillez vous connecter pour ajouter un commentaire
Si vous êtes déjà abonné, veuillez vous connecter.
Les non-abonnés peuvent s'inscrire gratuitement.
Merci pour votre inscription
Vous recevrez un e-mail avec un lien pour confirmer votre inscription.
Aucun commentaire disponible