Près de 300 pesticides sont autorisés en Suisse. Des produits qui ne peuvent être approuvés que s’ils n’engendrent pas d’effets secondaires inacceptables sur la santé de l’être humain et des animaux, ni sur l’environnement. Tout se joue donc sur le contrôle de ce risque de toxicité.
La question est dès lors de savoir comment s’exerce cette surveillance. L’enquête que nous avons menée (lire ici) montre que le système est pour le moins confus.
Les cantons, responsables de la recherche des éventuelles traces de pesticides dans l’eau et les aliments, doivent vérifier que les limites sont respectées et s’adresser à l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) s’ils constatent une nocivité plus importante que prévue. Pour mener à bien cette mission, les informations sur les risques à mesurer, sur les substances de dégradation possibles ou encore sur les quantités de produits utilisées dans chaque canton sont déterminantes.
La responsabilité de fournir ces données revient justement à l’OFAG. Et c’est là que le bât blesse: certaines d’entre elles, ainsi que des études émanant des producteurs de pesticides, sont couvertes par le secret d’affaires des fabricants! Les chimistes cantonaux n’ont d’autre choix que de mener leurs investigations à tâtons.
De nombreuses interpellations parlementaires ont été déposées à ce sujet et un audit est arrivé sur le bureau du Conseil fédéral en 2019. L’OFAG, en charge du domaine de l’agriculture, était pointée du doigt pour un possible manque d’objectivité. Des décisions trop favorables à l’agrochimie n’étaient pas exclues. Même le cabinet d’audit n’avait pas eu accès aux informations jugées indispensables à la mission des chimistes cantonaux. Un avis entendu par le Conseil fédéral. Mais il faudra tout de même attendre 2022 pour que l’OFAG cède son Service d’homologation des produits phytosanitaires à l’Office fédéral de la sécurité alimentaire.
En attendant, impossible d’exclure la répétition de scandales comme celui du chlorothalonil, pesticide jugé durant des années comme «non pertinent» par l’OFAG, finalement reconnu comme probablement cancérigène en 2019 et dont les résidus polluent une part importante de nos eaux souterraines.
Pierre-Yves Muller
Rédacteur en chef