Verser une prime de 100 fr. par mois durant 43 ans pour une police de prévoyance liée. Voilà à quoi Noémie Locciola s’est engagée, il y a deux ans. Le produit en soi n’est pas mauvais, on le verra plus loin. Mais, si le principe même d’une assurance combinant l’épargne, le décès et l’invalidité présente peu d’intérêt pour le quidam (lire «Epargne et assurance vie ne font pas bon ménage», BàS 11/2016), il en devient absurde pour une jeune célibataire de 21 ans.
Et là est le problème! «Je suis consciente d’avoir signé, et donc approuvé la conclusion de cette police d’assurance, déclare d’entrée notre lectrice. Mais, avec le recul, je réalise que je me suis fait prendre dans un piège. Et je souhaite témoigner pour éviter que d’autres jeunes fassent de même.»
Solution inadaptée
L’approche est classique. Un courtier – de la société AD Conseils en l’occurrence – prend spontanément contact avec le quidam et décroche un rendez-vous pour placer son produit. Et là, il fait usage de tout son savoir professionnel pour rendre son fond de commerce indispensable: «Comme assistante médicale, raconte Noémie, je ne touche pas un gros salaire. Il m’a donc expliqué qu’il fallait mettre de côté le plus tôt possible pour ma retraite, tout en économisant des impôts. Et, comme, en plus, je bénéficiais d’une assurance vie et d’une rente en cas d’invalidité, je me suis dit que c’était l’équation parfaite.»
Dans les faits, rien n’est faux. Mettre de côté pour compléter sa retraite, c’est bien. Mais faut-il commencer à le faire sans marge de manœuvre à 20 ans déjà? Et, si une assurance vie semble judicieuse pour une mère de famille dont le travail assure l’entretien des enfants, l’est-elle aussi pour une jeune célibataire? A l’évidence, non. Enfin, la déduction fiscale des cotisations est certes un argument de poids pour un contribuable important, mais nettement moins pour des bas salaires. Bref, plus que pour quiconque, ce genre de produit combiné ne convient pas à un jeune actif.
Noémie le comprend deux ans plus tard, lorsque AD Conseils la relance pour lui proposer d’augmenter sa couverture. Mais elle comprend aussi qu’une éventuelle renonciation va lui coûter très cher, d’autant que le courtier exige, par convention, une rétrocession correspondant à un an de primes en cas d’arrêt du contrat la première année (60% la deuxième et 30% la troisième), soit ce que l’assureur lui retiendra le cas échéant.
Calcul en main
Faisons le calcul avec la police que Noémie a signée chez Generali. Elle va payer 100 fr. par mois durant 41 ans, un peu moins les trois dernières années. Montant total: 50 680 fr. En échange de quoi, ses proches toucheront 31 155 fr. en cas de décès, ce qui correspond aussi au capital garanti en cas de vie en 2057. D’éventuels excédents peuvent augmenter cette somme mais, aujourd’hui, ils sont plutôt rares dans le monde de l’assurance vie! Enfin, en cas d’invalidité due à une maladie grave (mais pas à un accident), elle touchera une rente mensuelle de 1000 fr. après un délai de 720 jours.
Si notre lectrice voulait obtenir ces prestations combinées avec des assurances séparées, elle n’y arriverait pas. Pour une assurance décès de 40 000 fr., elle devra payer environ 185 fr. par an. Et pour une assurance invalidité de 1000 fr. par mois, la prime annuelle serait de 420 fr. environ. Soit la moitié de ce qu’elle paie à Generali. Or, en plaçant l’autre moitié sur un compte 3a avec un intérêt de 0,5%, elle obtiendrait moins que le minimum garanti par sa police actuelle. Voilà pourquoi nous avons écrit d’entrée que le produit n’est pas mauvais en lui-même, mais pas adapté à la situation de Noémie.
Pieds et poings liés
La preuve: alors qu’elle veut aujourd’hui reprendre les études, elle est coincée. Impossible de se rétracter sans perdre la quasi-totalité des primes déjà versées, la valeur de rachat étant ridicule au début du contrat. Seule consolation: suite à notre intervention et vu les circonstances, AD Conseils fait un geste et renonce à sa rétrocession. Mais si notre lectrice avait simplement épargné sur un compte bancaire 3a avec une assurance complémentaire invalidité qu'elle peut résilier chaque année (lire p 6 et 7), elle serait libre de suspendre ses versements. Et, en y ajoutant ce que lui coûte une assurance vie inutile pour l’instant, elle aurait mis davantage d’argent de côté!
Bref, avant de signer une police de prévoyance liée, les jeunes ont tout intérêt à s’inspirer des regrets de Noémie et de choisir d’autres formes d’épargne.
Lire l'édito de décembre 2016
Christian Chevrolet