La maison où l’on a grandi, c’est davantage qu’une ligne au Registre foncier. Au décès des parents, il faut faire le deuil de son enfance. Argent et émotions ne font pas toujours bon ménage et, pour ne blesser personne, un bref rappel des règles et des options à disposition s’impose pour prendre les bonnes décisions.*
Prenons l’exemple d’une fratrie de trois adultes: Anne, Philippe et Luc, dont le père a disparu en 2015. Solange, la mère, décède en 2021. Les descendants en ligne directe sont des héritiers réservataires: quel que soit leur nombre, ils ont droit aux trois quarts de la succession. Solange aurait pu léguer le quart restant à quelqu’un de son choix, mais elle ne l’a pas fait. En l’absence de testament ou de pacte successoral, ses enfants se partagent donc la totalité de ses biens.
Anne, Philippe et Luc forment désormais une communauté héréditaire. Ils sont donc propriétaires de la maison en commun, ce qui implique d’en assumer collectivement les charges et de prendre les décisions (travaux, vente) à l’unanimité.
En l’absence de conflit, ils peuvent garder la maison en la louant ou, si c’est un chalet de vacances, en profiter en alternance. Mais attention, rien n’est éternel et la situation peut se compliquer. Par exemple, si un des héritiers décède: dans ce cas, les enfants de ce dernier, petits-enfants de Solange, participeront aussi aux décisions. Sans parler des éventuels travaux à entreprendre pour éviter une dégradation: le remplacement de la chaudière ou la réfection du toit entraînent de grosses dépenses.
Vendre ou partager le bien
Quelle que soit l’option choisie, en présence d’un bien immobilier, il faudra régler la clôture de la succession devant un notaire. Les trois héritiers peuvent vendre la maison à un tiers. Ils la feront alors estimer par un professionnel, voire deux, en faisant ensuite la moyenne des chiffres obtenus pour un résultat aussi neutre que possible. Ne pas oublier de tenir compte du potentiel de la maison, selon sa situation et les possibilités de la remplacer par un immeuble, par exemple. Cette étape est incontournable pour un partage équitable.
Si Anne souhaite devenir l’unique propriétaire du bien, elle rachètera leurs parts à ses frères. A l’inverse, un des enfants, Luc par exemple, peut se retirer de l’hoirie et réclamer sa part d’héritage. Anne et Philippe ont alors l’obligation d’accéder à son désir, même s’il faut vendre la maison pour lui restituer son dû en espèces.
Selon la configuration des lieux, il est aussi possible de créer une copropriété, en attribuant, par exemple, le rez-de-chaussée à Philippe et le premier étage à Anne. Il est alors nécessaire de faire expertiser chaque logement à sa juste valeur pour estimer les versements compensatoires envers chacun.
«Il n’y a pas de règle absolue dans le domaine. Chaque famille doit trouver la solution qui lui convient, en respectant le principe d’équité», relève Alexandre Emery, avocat à Fribourg. «Quand les parents expriment un souhait, cela facilite les choses pour la suite», relève l’expert. Attention à ne léser personne: le partage d’une succession a un poids symbolique et émotionnel important.
A noter que le testament peut être fait devant notaire. Il peut aussi être rédigé à la main, daté et signé. Le pacte successoral sera signé par toutes les personnes concernées, devant notaire et témoins.
* Pour davantage d’informations, lire «Mon testament dans les règles de l’art», voir notre outil «Mon testament», ainsi que la brochure «Ce sont mes volontés».
Claire Houriet Rime
Les héritiers passeront à la caisse
La modification de la Loi sur les prestations complémentaires (LPC) entrée en vigueur le 1er janvier 2021 modifie considérablement les enjeux quand un des parents en a bénéficié lors d’un séjour dans un home ou un EMS (lire «L’aide revue à la baisse»). A partir de cette année, en effet, au décès du deuxième parent, les montants versés au titre de PC devront être remboursés à la Caisse de compensation. Cette règle s’applique dès que le montant total de la succession, avec les biens immobiliers, dépasse 40 000 fr. Pour les propriétaires, la maison est estimée à sa valeur vénale, c’est-à-dire au prix du marché.
«Cette disposition bouleverse la philosophie successorale qui prévalait jusqu’ici», relève Alexandre Emery. Alors que les héritiers n’avaient généralement pas de compte à rendre sur les PC octroyées, ils devront désormais, selon les montants en jeu et les moyens financiers de chacun, vendre la maison pour éponger la dette envers la Caisse de compensation. «Dans ce contexte, l’héritage peut devenir un cadeau empoisonné qui soulève de nombreuses incertitudes», souligne l’expert.